Ne mettez pas la charrue avant les bœufs. Avant de vous lancer à corps perdu dans la rédaction de votre curriculum vitae, remémorez-vous en détail votre parcours pour remettre à plat vos expériences et en extraire vos points forts.
Que l’on soit dans une phase active ou passive de recherche d’emploi, la rédaction d’un CV semble un réflexe naturel, le début de l’aventure. Et pourtant, se souvenir, avec force détails, de son cursus scolaire et des méandres de sa carrière n’est pas si aisé. Et lorsqu’il s’agit de pointer ses compétences précises et ses aspirations légitimes sur une page blanche, l’exercice se complique encore. C’est qu’avant de rédiger son curriculum, il convient de se poser de nombreuses questions. Et d’y répondre. Des questions qui ne touchent pas seulement à son passé professionnel, mais aussi à l’avenir. Quel est mon projet professionnel ? Lesquelles de mes compétences me serviront à le réaliser. À qui mon futur CV va-t-il s’adresser ? Un bilan personnel (« que sais-je faire ? ») et une réflexion prospective (« qu’ai-je envie de faire ? ») qui constituent un premier obstacle dans la course à l’emploi. Mais le franchir facilitera la phase d’écriture et procurera un avantage incontestable à celui qui sera passé par ce cheminement.
Cette question est le début d’une longue aventure de recherche, d’enquête et de réflexion sur soi-même. Un questionnement qui peut toucher au plus profond, car il bouscule des valeurs qui touchent à nos compétences ou à des choix de carrière parfois figés depuis des décennies, jamais remis en cause. Alors, pas question de se poster devant son ordinateur pour dérouler sa vie professionnelle comme s’il s’agissait d’une simple liste de courses et de l’adresser telle quelle à un employeur potentiel. Même s’il faut commencer par égrener ses formations, les différentes expériences professionnelles que l’on a menées à bien et ses activités extraprofessionnelles.
Faire un bilan de sa vie professionnelle, même si elle vient tout juste de commencer, n’est pas anodin. C’est une épreuve qui parfois fragilise et nécessite de prendre du recul pour être fructueuse.
Pour se mettre en jambes, rien de tel que de commencer par le plus facile et de se replonger dans ses chères études. Sans négliger la moindre option, le plus infime stage ni la plus vague session de formation. Pas question pour le moment de séparer le bon grain de l’ivraie. […]Un petit supplément de connaissance peut faire la différence lorsqu’un recruteur recherche un ingénieur issu de telle école et qu’il reçoit 200 candidatures émanant du même établissement, dont une trentaine de la même promo.
Pour l’instant, on ne trie pas, on empile. Et pour s’en sortir au mieux, il convient de noter, dans un petit tableau, la durée des formations effectuées, les diplômes obtenus (ou non), le nom de l’établissement ainsi que le type d’études. Car au-delà de la formation générale, on peut suivre des cursus professionnalisants, voire des enseignements spécialisés dans des domaines sans lien apparent avec la carrière que l’on a menée ou le job que l’on convoite. Doivent ainsi être consignées des expériences aussi éloignées d’une vie de cadre administratif qu’une formation de secouriste ou un brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur de centre de vacances (Bafa).
« Il m’est arrivé, et il m’arrive encore, de rencontrer des candidats que je dois accoucher. À force de les questionner au cours d’un entretien, je découvre qu’ils ont passé des formations internes très intéressantes, mais qu’ils n’ont pas fait l’effort de présenter dans leur CV, pensant qu’elles n’intéressaient que leur entreprise. C’est une erreur bien sûr, il faut absolument les inscrire dans un CV, car elles attestent votre bonne forme professionnelle. »
Restent les stages et la grande question qui les entoure : faut-il les considérer comme une formation ou une expérience professionnelle ? Osons une réponse langue de bois : tout dépend du stage. S’il a duré moins de trois mois, on peut raisonnablement l’inclure dans la case « formation ». En prenant soin de préciser les acquis de cette courte période. Au-delà, il peut s’apparenter à une expérience professionnelle, surtout si l’on a eu toute latitude pour développer un projet. Si, à l’inverse, le maître de stage nous a cantonné à la photocopieuse, on peut sans remords laisser stagner l’épisode au rayon formation. Mais le plus important pour classifier ces débuts de carrière ne tient pas tant dans la tâche abattue au cours de ces stages que dans le souvenir que l’on en a. Si l’on est à même d’exposer parfaitement la manière de fonctionner de l’entreprise, ses méthodes de travail et le parcours que l’on a pu y faire, c’est une véritable expérience qui va au-delà d’une simple formation.
Pour achever cette plongée dans un passé plus ou moins lointain, il va falloir fouiller le grenier. Car il est important de retrouver l’ensemble des diplômes, des certificats de stages et documents divers qui prouvent la véracité des études annoncées. Aujourd’hui, il n’est pas exclu qu’un recruteur demande à vérifier tout cela.
Une fois les diplômes et les formations passées au crible, il s’agit de lister les expériences professionnelles. La tâche est d’autant plus ardue que dans ce domaine, hormis quelques certificats de travail qui donnent des dates et des fonctions plus ou moins réelles, aucun document n’établit précisément le champ d’action couvert au cours de ces périodes. Il va falloir interroger ses souvenirs et ses classeurs de rangement. Et du plus ancien petit boulot à la plus récente ou à l’actuelle fonction ne négliger aucune période d’activité. Prenez soin de préciser en face du poste occupé ce qu’il a apporté à votre carrière. Car même s’il n’a aucun rapport avec les compétences que vous devrez détailler dans le CV, il peut attirer la curiosité de votre interlocuteur lors de l’entretien.
Comme pour la formation, un tableau récapitulatif permet d’y voir plus clair. Il détaille les dates et les différentes fonctions exercées (on peut en remplir plusieurs dans la même entreprise). Il faut décrire le plus précisément possible les différentes tâches exécutées, les missions menées à bien, sans omettre celles que l’on a ratées. Car elles auront la même importance que les autres lorsqu’il s’agira de déterminer ses réelles compétences. Et puis, comme c’est le cas pour les formations, les petits jobs effectués aux antipodes de notre métier de fond peuvent avoir leur importance pour créer la différence lors d’une candidature où tous les CV seront lissés et de même teneur.
Se projeter dans son passé, établir la nomenclature de son expérience professionnelle et en tirer des leçons pour mieux rebondir : l’exercice est connu et il a même un nom, bilan de compétences. Il peut être prescrit par son entreprise, par l’ANPE, par l’Apec ou par soi-même. Mais le bilan de compétences peut aussi être pratiqué tout seul. Avec des résultats pas forcément catastrophiques.
Ils ont pignon sur Web et proposent leurs services aux particuliers pour une somme qui varie entre 100 et 350 €. Sont-ils fiables ? Aucun sondage ne l’atteste, mais les témoignages recueillis auprès de candidats qui ont utilisé les services de ces « écrivains publics » montrent qu’ils sont fort utiles quand on a peu de temps à consacrer à l’élaboration d’un CV. Évidemment, l’organisme ne prend pas en charge le (gros) travail préparatoire (bilan, sélection des informations). Il n’aide pas à peaufiner un projet professionnel, il aide à le formuler une fois que l’on sait ce que l’on veut faire.
Tout le monde n’a pas la chance d’être polyglotte. Mais les langues étant de plus en plus indispensables pour nombre de professionnels, il serait suicidaire de ne pas mettre en avant ses acquis en la matière lorsqu’on en dispose. Si l’on est titulaire d’une maîtrise d’anglais, aucun problème pour la signaler sur un CV et convaincre son lecteur. Mais il est difficile de persuader un recruteur de son fluent english, même si un proche parent a la nationalité britannique. Aussi, lorsque l’on a réellement des bases solides dans cette langue, il existe des tests reconnus par une majorité de recruteurs et qu’ils repèrent immédiatement sur un CV. Deux labels se disputent le privilège de la notoriété. Le premier, appelé Test of English for International Communication (TOEIC), est un examen ouvert à tous. Sa notation maximum est de 990 points, et les recruteurs exigeants n’hésitent pas à demander un score de 750 au minimum. Il s’agit dans certaines très grandes entreprises d’une condition sine qua non pour postuler. Mais ce test n’étant pas un diplôme d’État traditionnel, rien n’empêche un candidat de le tenter aussi souvent qu’il le souhaite, histoire de récolter une note plus élevée. Il est même recommandé de le repasser si son dernier TOEIC a plus d’un an lorsque l’on postule. Autre test ultraconnu et toujours accessible à tout un chacun, le Test of English as a Foreign Language (TOEFL) a été créé, à l’origine, pour s’inscrire dans une université américaine. Mais si ce test est toujours un passeport obligé pour faire des études, il est en perte de vitesse dans les entreprises européennes, où on lui préfère son compère TOEIC. Un troisième larron semble également apprécié des recruteurs : il s’agit de l’examen organisé par la Chambre de commerce franco-britannique.
Une bonne immersion à l’étranger est un atout indéniable dans un CV. À la condition d’avoir passé suffisamment de temps dans le pays, il peut être très utile de mentionner son expérience à l’étranger. Inutile d’évoquer quinze jours de vacances dans le Kent. Les professionnels considèrent qu’un bon apprentissage d’une langue in vivo nécessite au minimum un séjour de trois mois sur place.
Certes, l’exercice est fastidieux, et il peut faire peur. Mais il est indispensable pour ne pas passer à côté d’arguments qui pourraient être décisifs dans une candidature. Lorsque la liste des formations et des expériences est complète, il faut la décrypter. De chaque point, que ce soit un diplôme ou une fonction professionnelle, il va falloir tirer l’ADN, le petit truc vital qui lui vaudra de figurer, ou non, sur le CV. Brevet de secourisme ou doctorat, formation au logiciel CXZ.12 ou licence de droit. Tout est bon et tout doit être passé au crible. On conseille d’analyser chacune des formations et des expériences selon les critères suivants : poste, missions, formations, compétences, qualités, réussites, échecs, bilan. L’exercice deviendra efficace une fois que vous aurez disséqué chaque expérience nécessaire au poste convoité. S’il s’agit de faire valoir vos compétences de manager d’équipe, n’entrez pas dans le détail pour décrire une mission d’interprète que vous avez menée lors d’un job d’été. Il faut passer rapidement sur les éléments qui ne présentent pas un intérêt de premier ordre pour l’emploi convoité.
Les compétences acquises ne sont pas toujours où on le croit. Ainsi, en listant celles que requiert un poste, vous pouvez vous apercevoir qu’il en manque quelques-unes au nombre de celles que vous pensez maîtriser à première vue. Par exemple, vous convoitez un poste de responsable logistique dans le secteur du tourisme. On demande un spécialiste de la supply chain, pas de problème : voilà quinze ans que vous exercez à ce poste. Sauf que vos actuelles fonctions ne vous ont jamais fait quitter l’industrie. Pourquoi, dans ce cas, ne pas évoquer vos activités extraprofessionnelles ?
Parfois, faire émerger une compétence est plus ardu, parce qu’elle est plus ancienne, parce qu’elle est moins évidente. Pour ne pas en oublier, vous pouvez recourir à la bonne vieille technique du brainstorming. Sur une feuille de papier, notez les mots-clés que vous évoque spontanément ce poste. Puis reprenez-les un à un et inscrivez ce qu’ils éveillent dans vos souvenirs. Laissez faire votre cerveau, ne sélectionnez pas. Loisirs, activités associatives, jobs alimentaires : pour le moment, tout est bon à prendre. Ce n’est qu’ensuite qu’il faut retravailler cette matière brute. Et la faire passer par le tamis du savoir, du savoir-faire ou du savoir-être. Car pour devenir compétences, toutes ces activités ont dû vous apporter l’un de ces passeports.
Exemple
Poste convoité : responsable logistique d’un grand tour-opérateur.
Mots-clés : rigueur, organisation, négociation, matériel, pays étrangers, médiation.
Traduction : outre vos connaissances logistiques, vous avez participé à la commission voyages du CE. À ce titre, vous avez organisé quatre voyages chaque année pour 60 personnes. Vous avez donc développé un sens de la négociation avec les TO et les prestataires locaux. Vous êtes systématiquement parti en voyage de reconnaissance pour guetter les dysfonctionnements, mettre en place les timings, gérer le réceptif, les transferts, les animations, etc. Autant d’atouts pour le poste visé. À condition de les mettre en avant dans le CV.
Ce brainstorming rudimentaire peut s’effectuer en solitaire, mais il peut également prendre la forme d’un bilan de compétences. Au programme : une meilleure connaissance de ses compétences, une réflexion sur son avenir professionnel ou une mise à jour de talents cachés. L’ANPE, ou l’un de ses partenaires, comme l’Apec, dans le cadre de leurs activités d’accompagnement au retour à l’emploi, proposent un « bilan de compétences approfondi » (BCA) gratuit. Il dure vingt heures, en plusieurs rendez-vous, sur une durée maximum de quarante-deux jours. L’ANPE et l’Apec sous-traitent cette prestation à des organismes de formation, des cabinets de recrutement ou des associations d’aide au retour à l’emploi. Est-ce dans le but de prouver leur efficacité ? Toujours est-il que l’ANPE exige qu’ils travaillent avec le secteur privé avant de signer une convention avec eux. En théorie, chacun est libre de choisir son centre de bilans, mais dans les faits, peu de candidats y parviennent. Question de temps, de disponibilité et de rouages administratifs.
Lorsque l’opérateur est défini, le bilan se déroule en trois temps. Au cours d’un premier rendez-vous, le consultant élabore avec le chercheur d’emploi le contrat d’accompagnement qui fixe les dates des rencontres et les travaux personnels qu’il devra effectuer : recherche d’informations sur divers métiers, questionnaires, etc. Ensuite, les discussions entre eux permettront de mieux cerner les atouts du candidat, de manière à le réorienter vers un nouveau métier ou le dissuader d’en changer. Lorsque ces souhaits et compétences sont clairement identifiés, ils doivent être confrontés aux réalités du marché de l’emploi. Au cours de la troisième phase, le prestataire définira, avec un conseiller ANPE, un plan de retour à l’emploi. Évidemment, un bilan de compétences est envisageable sans en passer par la case ANPE ni Apec. Pléthore d’officines de coach personnel ou de cabinets-conseils en outplacement proposent des bilans plus approfondis. Il en coûte entre 1 000 et 2 000 €, selon la notoriété du cabinet.