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LA COMMISSION EUROPEENNE MET EN GARDE LA FRANCE

par Alain Genestine 29 Mai 2007, 23:44 Travail et Economie

Décidément, les bonnes nouvelles internationales s’accumulent. Après le FMI il y a un mois , c’est au tour de la Commission européenne d’annoncer une conjoncture meilleure en Europe. L’environnement international sera donc porteur pour la France. Mais la Commission en a profité pour mettre en garde les nouveaux dirigeants français : les prévisions pour la France ne sont pas aussi bonnes qu’ailleurs, à politique inchangée. Il faut donc changer de politique. Juan Manuel BARROSO l’a d’ailleurs amicalement suggéré au cours de son dialogue avec le Président SARKOZY mercredi dernier.

 

La croissance européenne revue à la haussel-eveil.jpg

 

Avant même les résultats de l’élection présidentielle connus, entre les deux tours, nous avions souligné que les nouveaux dirigeants français avaient de la chance. Jamais les prévisions de croissance n’ont été aussi fortes dans le monde, selon le FMI (4,9% de croissance du PIB en moyenne) et la conjoncture mondiale est en outre portée et soutenue par le dynamisme des échanges internationaux, comme toujours facteurs de croissance.

Un mois plus tard, c’est au tour de la Commission européenne de réviser à la hausse des prévisions de croissance. Pour la zone euro, la croissance devrait être en moyenne cette année de 2,6%, au lieu des 2,4% prévus, et de 2,5% en 2008. Pour l’ensemble des 27, c’est encore mieux, la croissance du Pib devrait être cette année de 2,9% (au lieu de 2,7%). C’est dire que les pays de l’Est, en particulier, font mieux que ceux de la zone euro.

La croissance devrait être confortable également en Angleterre (2,7%) et surtout en Espagne (3,7%). Mais le progrès le plus spectaculaire, comme nous l’avions annoncé il y a quinze jours (NL 918 du 12 mai) concernerait l’Allemagne, qui passerait d’une prévision de 1,8% il y a encore quelques mois à 2,5%. Cela s’explique par un grand dynamisme des investissements et des exportations, grâce aux efforts de compétitivité, et aussi par les réformes sur le marché du travail, pour le rendre plus flexible et inciter les chômeurs à accepter un emploi.

 

Diminuer les dépenses publiques

 

Cette croissance plus forte dans tous les pays aura, selon la Commission européenne, des conséquences positives sur l’emploi (le taux de chômage devrait sensiblement se réduire, passant en dessous de 7% l’an prochain) et sur les recettes fiscales (à taux d’impôts inchangé) et donc sur la réduction des déficits publics. Le déficit moyen des treize membres de l’euro tomberait à peine à 1% du PIB cette année (contre 1,6% en 2006) et à 0,8% en 2008. Onze pays européens au moins auraient un budget en excédent. L’Europe -et notamment la nouvelle Europe- bénéficie enfin du train de la reprise, en raison des réformes consenties dans la majorité des pays européens.

Et la France ? La Commission européenne est prudente, car ses prévisions se font à politique économique inchangée. Avec la politique du gouvernement sortant, la croissance française  reste l’une des plus faibles d’Europe : 2,4% en 2007 et 2,3% en 2008. Mais l’exercice ici n’a pas le même sens que pour les autres pays, puisque, du moins on peut l’espérer, la politique économique devrait enfin changer et certaines réformes de structure être envisagées.

La Commission n’a pas raté cette occasion, même si elle n’entre pas dans les détails et notamment pas dans les politiques structurelles (ce n’était pas l’objet de ce rapport conjoncturel) de mettre en garde les nouvelles autorités françaises. Il est par exemple dit explicitement qu’il ne faut pas mettre à profit le renouveau de la croissance et des recettes fiscales pour accroître les dépenses publiques, mais au contraire en profiter pour les diminuer et pour réduire les déficits publics et la dette publique, qui restent en France excessifs.

La réunion des ministres de l’économie de l’Eurogroupe a aussi été l’occasion pour rappeler la nécessité de faire des efforts (en particulier sur la baisse des dépenses publiques) afin de créer des « marges de manœuvre » pour « améliorer la productivité et la compétitivité » et faire face aussi aux problèmes venant du vieillissement de la population : on n’est pas dans une logique de  soutien de la demande, mais d’encouragement de l’offre.

 

Réduction de la dette et indépendance de la BCE

 

Plus généralement, comme le titre notre confrère Les Echos : « Les grands argentiers européens mettent en garde Nicolas SARKOZY ». Contre quoi ? « Contre la tentation de laisser filer les déficits et de s’attaquer à l’indépendance de la BCE ». Sur le premier point, il s’agit donc une nouvelle fois de réduire les dépenses publiques, pour réduire la dette et le déficit, tout en baissant les impôts pour ramener la France dans la moyenne des prélèvements européens. Le Commissaire ALMUNIA précise : « Poursuivre la remise en ordre des finances publiques et réduire la dette constitue un défi pour la France, qui doit démontrer que ce sera l’objectif des nouvelles autorités ».

Sur le second point, passés les discours électoraux de circonstances, la France doit cesser de critiquer la politique monétaire restrictive de la BCE. Le ministre des finances autrichien précise : « Aucun homme politique ne doit exercer de pression sur la BCE ». Et le ministre allemand d’ajouter à son tour : « Je ne pense pas qu’il faille imposer des contraintes à l’action de la BCE, qui est et qui doit demeurer une institution indépendante ». De plus, la Commission nous met aussi en garde contre les hausses de salaires trop fortes, contraires au besoin de compétitivité.

Ces avertissements n’ont pas eu l’air d’impressionner Nicolas SARKOZY qui, à l’occasion de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre à Bruxelles avec Juan Manuel BARROSO, a invoqué la dépendance de la FED à l’égard du Trésor américain, de la Banque d’Angleterre à l’égard du chancelier de l’Echiquier. Il voudrait que le pouvoir monétaire retourne aux dirigeants politiques. Sera-t-il suivi dans cette reconquête de l’euro ? Peu nombreux sont les Européens qui se plaignent de la gestion de la BCE parce qu’ils savent que l’ère de la « politique monétaire », consistant à manipuler les monnaies, est définitivement close.

Bien entendu, les autorités européennes s’en sont tenues avant tout à ces aspects monétaires et budgétaires de la question, puisque c’était l’objet des rapports et réunions, mais il ne faudrait pas négliger les réformes structurelles de fond, celles de l’Etat, celles du marché du travail, celles de la fiscalité, celles de la protection sociale, celles du système éducatif. L’environnement extérieur est favorable. A nous de savoir en profiter en procédant aux réformes de fond. C’est le message des autorités européennes au nouveau gouvernement.

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