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La liberté surveillée : Russie et élection!

par Alain Genestine 26 Février 2008, 15:52 International

À moins d'une semaine de l'élection présidentielle russe, Amnistie internationale publie un rapport qui conclut que les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion sont régulièrement bafoués par les autorités.

 

Les défenseurs des droits de la personne, les organisations non gouvernementales (ONG), les opposants politiques, mais aussi les simples citoyens, conclut Amnistie, font tous les frais d'une réduction de ces trois droits fondamentaux, pourtant garantis par la Constitution russe et par des traités internationaux signés par Moscou.

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« Les autorités russes réduisent ces droits dans le cadre de leur stratégie d'opposition à ce qu'elles qualifient d'influence occidentale. Ce faisant, elles manquent à l'obligation qu'elles ont au niveau national et international de garantir ces droits pour tous », déplore la directrice du programme Europe et Asie centrale de l'ONG, Nicola Duckworth.

Le rapport, intitulé Liberté limitée. Le droit à la liberté d'expression dans la Fédération de Russie, souligne notamment que de nombreuses manifestations d'opposants politiques organisées en prévision des élections législatives et présidentielle ont été violemment dispersées, alors que les manifestations progouvernementales se déroulent paisiblement.

Amnistie internationale note de manière générale que les militants des droits de la personne et les journalistes des rares médias indépendants ont de moins de moins de marge de manoeuvre dans la Russie de Vladimir Poutine. Des lois formulées dans des termes souvent vagues permettent aux autorités de harceler ceux qui les ennuient.

Les journalistes, dit Amnistie dans son rapport, s'exposent notamment à des actes d'intimidation et même à des poursuites. La station de radio Ekho Moskvy, par exemple, a souvent été sommée de fournir des transcriptions de ses émissions au bureau d'un procureur, qui enquête afin de déterminer si la station a diffusé des « opinions extrémistes ».

Manifestant à Saint-Pétersbourg en novembre dernier.

Photo: AFP/Yevgeny Asmolov

Manifestant à Saint-Pétersbourg en novembre dernier.

L'ONG s'inquiète par ailleurs que l'enquête sur l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa n'ait toujours pas permis d'identifier celui ou celle qui aurait donné l'ordre de la tuer.

Amnistie internationale dénonce également la loi de 2006 sur les ONG, jugée « extrêmement contraignante », qui permet aux forces de l'ordre de s'en prendre à des organisations considérées « menaçantes » pour l'autorité de l'État.

La loi visant à combattre les activités extrémistes, la loi sur les impôts et le Code pénal russe font également partie d'une série d'outils juridiques utilisés par les autorités pour mettre des bâtons dans les roues des ONG.

« La liberté d'expression est d'abord et avant tout la liberté d'exprimer des points de vue différents, indique Mme Duckworth. L'attaque continuelle de ce droit, notamment par le biais de restrictions aux droits à la liberté de réunion et d'association, a pour effet de bâillonner la société tout entière. [...] Sans le droit à la liberté d'expression, d'autres droits de l'homme fondamentaux peuvent être bafoués plus facilement. Le silence est le meilleur terreau pour l'impunité - un outil puissant pour ébranler les principes du droit. »

La voix étranglée

La campagne électorale est en cours en Russie.

Photo: AFP/Kirill Kudrjavtsev

La campagne électorale est en cours en Russie.

Le rapport d'Amnistie s'attarde notamment au cas de l'ONG Golos (Voix), spécialisée dans l'observation des scrutins et la diffusion d'informations concernant le processus électoral en Russie, et à sa directrice pour la région de Samara, Ludmila Kuzmina.

Mme Kuzmina raconte une série d'avaries qui se sont abattues sur son organisation après qu'elle parlé des violations des droits humains à des journalistes le 9 mai, en prévision d'une marche des dissidents tenue dans sa région le 18 mai.

Le lendemain, la police investit les bureaux de Golos et confisque les ordinateurs, sous prétexte que les logiciels n'avaient pas été dûment enregistrés. Elle sera d'ailleurs accusée d'avoir violé les droits de propriété intellectuelle.

Le 11 mai, nouveau coup de semonce. Les inspecteurs en matière de prévention des incendies décident de condamner l'immeuble où se trouvent les locaux de l'organisation, officiellement pour des raisons de sécurité.

L'immeuble a finalement été rouvert en septembre, sans qu'aucune modification n'ait été apportée. Au cours des trois mois de fermeture, Mme Kuzmina n'a pu accéder à son bureau ni récupérer des documents qui s'y trouvaient.

L'anus horribili de Golos ne s'arrête pas là. Le 14 septembre, le Service d'enregistrement fédéral, auprès duquel les ONG doivent s'enregistrer en vertu de la nouvelle loi encadrant leurs activités, annonce au bureau régional de Golos qu'il procédera à un examen de toutes ses activités entre septembre 2004 et septembre 2007.

Cet ordre a contraint Golos à fournir les détails de sa comptabilité, y compris, donc, ses sources de financement et ses dépenses. Un mois plus tard, le Service d'enregistrement fédéral a soutenu que Golos avait « grossièrement violé » les lois russes et a demandé un ordre de la cour pour mettre un terme aux activités de l'ONG.

Le Service a notamment affirmé que Golos l'avait bien informé de la tenue de réunions du conseil d'administration, mais qu'elle n'avait pas soumis de procès-verbal, empêchant ainsi le service de conclure que ces rencontres avaient bel et bien eu lieu.

L'agence responsable des ONG a en outre conclu que l'organisation avait violé ses statuts à plusieurs reprises, notamment parce qu'aucun nouveau membre ne s'était joint à l'organisation, que le nom complet de l'organisation n'apparaissait pas sur son sceau et que les reçus fournis au Service n'étaient pas des originaux.

Qui plus est, le Service fédéral d'enregistrement a affirmé que sept personnes auraient approché Golos pour s'y joindre, mais en vain. Cette affirmation est mise en doute par Mme Kuzmina, qui souligne que les plaintes envoyées à l'agence reprenaient essentiellement le même libellé. Amnistie dit avoir vu ces plaintes et affirme que les doutes de la directrice régionale de Golos sont fondés.

Mme Kuzmina raconte en outre que des policiers sont venus visiter l'immeuble à logements qu'elle habite à plusieurs reprises depuis mai 2007. Ils demandent aux voisins si elle arrive tard, si elle est soûle, etc. Des voisins lui ont rapporté que la police affirme qu'elle entretient des liens avec des groupes extrémistes.

En attendant la fin des procédures concernant les accusations de violation de propriété intellectuelle auxquelles elle fait face, Mme Kuzmina ne peut quitter la ville. Elle ne nie pas avoir utilisé des logiciels sans en avoir obtenu les droits, mais affirme qu'elle n'aurait jamais dû être poursuivie en vertu du Code criminel pour une telle infraction.

Le 21 décembre dernier, la Cour a finalement rejeté la demande de fermeture des locaux de Golos à Samara présentée par le Service fédéral d'enregistrement. L'agence a toutefois interjeté appel. Une nouvelle audience est prévue mardi prochain, soit deux jours après l'élection présidentielle.

Malgré toutes ces embûches, Golos prévoit suivre de près l'élection présidentielle du 2 mars prochain.

 
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