Faut-il encore se respecter soit même.
Que peut faire un candidat sinon promettre, c’est-à-dire annoncer ce qu’il compte faire quand il sera élu ? Tous sont condamnés à parler de ce qu’ils feraient s’ils sont élus, et à proposer avant d’avoir les moyens de faire. Comment les candidats s’arrangent-ils, en conscience, de cette délicate situation ?
Comment par exemple s’empêcher de faire une annonce presque impossible à tenir mais attendue par un grand nombre ? Rares sans doute sont les politiques qui résistent à la facilité des grandes promesses, qui plaisent d’autant plus qu’elles sont moins réalistes. La plupart, qui réfléchissent peu aux moyens et comptent sur la seule volonté, jurent de bonne foi tout ce que les électeurs attendront d’eux.
Or, en conscience, puis-je faire une promesse en ayant l’intention de ne pas la tenir ? Quel redoutable cas de conscience ! Si je ne la fais pas, je risque de n’être pas élu ; si je la fais, je suis presque sûr de ne pouvoir la tenir, et d’être critiqué pour cela. On calculera qu’il faut dire ce qui est nécessaire pour être élu, et invoquer plus tard les nécessités de la situation pour reculer. Prudence de politique…
Mais si un politique peut consentir dans son intérêt à faire une fausse promesse, il lui est en revanche impossible de proposer sa conduite en modèle aux autres. Pire, sa conduite contredit son authentique volonté. Car le stratagème suppose qu’on le croie sincère, et que chacun ait foi en ses promesses. C’est seulement parce que la sincérité est la norme que le mensonge peut être efficace.
Aussi la fausse promesse doit-elle se parer du prestige de la sincérité. Promettre ainsi c’est donc à la fois vouloir que tous soient sincères et vouloir ne pas l’être soi-même ; c’est faire exception pour soi à une loi dont on reconnaît en même temps la valeur. Subtile contradiction.