On aimerait penser que la nature porte les hommes à l’entente et qu’ils sont spontanément enclins à vivre ensemble. Si la sociabilité était naturelle à l’espèce humaine, l’optimisme serait permis en politique. Mais l’expérience confirme-t-elle cet espoir ? Qu’est-ce qui en fait pousse les hommes à s’assembler ?
Si c’était un instinct bienveillant, l’être humain devrait rechercher l’être humain en tant que tel, et ne faire aucune différence entre ses semblables. Ce qui se fait instinctivement a lieu sans calcul ni discernement ; on devrait donc se plaire en la compagnie du premier venu au lieu de préférer ceux qui nous sont utiles ou nous estiment. Ce qui n’est évidemment pas ce qu’on observe.
On voit les hommes se retrouver par le besoin qu’ils ont les uns des autres. Ainsi du commerce et des négociations. On les voit se rassembler pour se divertir, c’est-à-dire satisfaire leur amour-propre. Remarquez, dit Hobbes, comme on se plaît à ce qui fait rire ; quel entrain pour souligner les ridicules et les travers des gens ; en retour quelle bonne opinion de nous-mêmes. Comme on égratigne les absents, comme on blâme leurs paroles et leurs actes ! Ainsi faisons-nous ressortir nos belles qualités ; que d’ennui sinon.
Se réunit-on pour converser entre gens cultivés et philosopher ? Autant de présents, autant de savants. Chacun se fait fort d’instruire les autres et se glorifie d’en savoir plus tout en craignant de paraître ignorant. Où est donc la bienveillance ?
Ce qui assemble les hommes pour le philosophe anglais, c’est la nécessité et le désir de briller. C’est pourquoi, loin de s’accorder naturellement, ils se cherchent
et se craignent à la fois.
A méditer!!