
Les ministres des Finances des 13 pays qui partagent la monnaie unique ont effectué une croisière sur le Douro, la rivière du nord du Portugal qui baigne les vignobles de Porto, pour faire le point de la situation économique.
Les signaux d'inquiétude se sont multipliés ces dernières semaines avec la crise du marché américain du crédit immobilier à risque ("subprime"), qui a précédé une nouvelle envolée des cours du pétrole et de l'euro par rapport au dollar désormais fermement ancrés à des niveaux jamais atteints auparavant.
Mais il en fallait plus pour sonner le tocsin à Porto.
"La croissance est robuste et l'économie est solide, donc nous pouvons faire face", a déclaré le ministre autrichien des Finances, Wilhelm Molterer, en écho à ses homologues.
La force de l'euro sur les marchés des changes ne semble réellement préoccuper que la France, qui martèle qu'elle handicape fortement les exportations, notamment d'automobiles.
Pour l'immense majorité des ministres des Finances de la zone, cela démontre surtout que les marchés jugent les fondamentaux européens solides et cela réduit d'autant une facture pétrolière libellée en dollars.
PLUTÔT L'EURO FORT QUE L'EURO FAIBLE
"Mon opinion est que, durant la période où l'euro était trop faible, j'étais plus inquiet que maintenant", a déclaré le président de l'Eurogroupe, le Premier ministre et ministre des Finances du Luxembourg Jean-Claude Juncker.
En outre, la gestion de la crise financière par la Banque centrale européenne (BCE), qui a massivement injecté des liquidités pour aider les organismes prêteurs, a été saluée.
Juncker a félicité l'Institut de Francfort qui a "tout fait de façon exemplaire et avec génie pour éviter une évolution des marchés qui aurait pu être dangereuse".
Pour le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, "des leçons doivent être tirées" pour améliorer la transparence des marchés financiers mais "il est trop tôt pour (les) tirer", notamment en prenant des mesures de régulation.
Même si l'on peut "faire mieux" pour améliorer la transparence d'instruments très opaques, l'exposition des banques européennes au risque américain est jugé marginal.
"Les événements sur les marchés ne manqueront pas de produire un impact, mais un léger impact", a dit Juncker.
Enfin, en restant l'arme au pied la semaine dernière, la BCE a rassuré les pays qui craignaient l'impact sur la croissance d'une hausse des taux d'intérêt pourtant annoncée en juillet.
Les prévisions économiques présentées mardi dernier par la Commission font donc consensus: la zone euro devrait connaître en 2007 une croissance de 2,5% contre 2,6% prévus en mai dernier, une très légère correction en attendant 2008.
"Nous pensons qu'en 2007 et 2008 nos économies croîtront un rythme du potentiel de croissance", a confirmé Juncker.
LA FRANCE INQUIÈTE
Mais la situation de la France inquiète ses partenaires.
Selon l'exécutif européen, la croissance devrait connaître dans ce pays un sérieux coup de rabot par rapport aux prévisions du printemps, puisqu'elle passerait de 2,4 à 1,9%, tout en tenant compte d'un rebond de l'activité au second semestre.
En soi, la performance française n'est pas préoccupante.
Mais Nicolas Sarkozy a axé sur le retour d'une croissance forte génératrice de recettes fiscales toute sa stratégie de réduction du déficit français, qui est prévu à 2,4% du PIB cette année, un chiffre dangereusement proche de la limite fatidique des 3% qui place la France au rang des cancres de la zone euro.
On n'en prend pas vraiment le chemin, même si le gouvernement français continue à tabler pour 2007 sur une croissance située entre 2 et 2,5% à laquelle peu croient.
La ministre française de l'Economie et des Finances, Christine Lagarde, a présenté son programme de réformes structurelles, notamment pour les régimes spéciaux de retraite, qui a été salué par ses partenaires européens.
"Il convient de féliciter la France pour l'ampleur des réformes que le gouvernement veut engager", a dit Juncker.
Mais l'Eurogroupe a été beaucoup plus critique sur les projets français en matière de réduction du déficit budgétaire qui, selon un accord conclu à l'unanimité en avril dernier à Berlin, devrait être ramené à zéro à l'horizon 2010.
"Nous pensons que les ambitions dont la France a fait preuve (...) ne correspondent pas tout à fait au niveau des attentes qui est le nôtre", a lancé son président.
La France prévoit un retour à l'équilibre des comptes publics en 2012 en partant de l'hypothèse d'une croissance de 2,5% l'an à compter de 2009 et un déficit ramené à 0,3% du PIB en 2010 si la croissance atteint 3% à compter de 2009.
Ce dernier chiffre semble hors de portée et les partenaires de la France lui ont demandé de réduire la dépense publique.
Les ministres des Finances réexamineront son cas en octobre et attendent pour décembre un programme de stabilité actualisé qui, ont-ils dit, devra respecter l'objectif 2010: le
moment de vérité est donc attendu pour la fin de l'année.

Le Premier ministre luxembourgeois a pris des initiatives adéquates pour répondre à la crise financière et son travail mérite d'être salué, a-t-il déclaré lors d'une réunion informelle des ministres des Finances de l'Union européenne.
Le président de la Banque centrale européenne (BCE) a également apporté son soutien à Jean-Claude Juncker.
Il a été très efficace, a agi avec discernement au moment clé, a déclaré Jean-Claude Trichet qui est également visé par le président français dans des propos rapportés par Le Monde.
Selon Nicolas Sarkozy, la stratégie de taux élevés de la BCE handicape les entreprises alors qu'elle aurait favorisé les spéculateurs financiers.
A Porto, Jean-Claude Trichet s'est étonné de cette position, notant que le président français avait à l'époque approuvé la décision de la BCE de maintenir ses taux.
Il a précisé qu'il attendrait d'avoir le texte exact des propos de Nicolas Sarkozy pour y répondre de façon circonstanciée.