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Nicolas Sarkozy, le libéralisme et les droits de l'Homme

par Alain Genestine 18 Août 2007, 22:33 Libéralisme


Par Jean-Philippe Feldman
Professeur agrégé des facultés de droit
Avocat à la Cour de Paris.


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A ceux qui faisaient de Nicolas Sarkozy l’espoir libéral pour la France, à ceux en contrepoint qui l’affublent, comme Laurent Fabius récemment, du qualificatif infamant d’«ultra-libéral», il est fortement conseillé de lire le discours prononcé par le candidat proclamé à l’élection présidentielle le 12 octobre 2006 à Périgueux et intitulé « Notre République ». Les libéraux seront certes ravis d’y trouver quelques idées qui sont les leurs : souveraineté de l’individu, respect de la propriété comme condition de la liberté, application stricte du principe de subsidiarité, ou encore liberté d’entreprendre, de choisir l’école de ses enfants ou de leur léguer le fruit de son travail. Mais l’essentiel est ailleurs. La presse en a justement fait ses choux gras : « Sarkozy propose de nouveaux droits sociaux », commente Le Figaro (13 octobre 2006) ; « Nicolas Sarkozy multiplie les promesses sociales », résume Le Monde (14 octobre 2006).

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Le président de l’UMP entend que la République s’attaque aux nouvelles inégalités : « Depuis des années, au nom de la morale républicaine, on proclame des droits qui ne sont pas suivis d’effet », qu’il s’agisse de l’hébergement d’urgence, du logement, de la garde des enfants ou de la dépendance des personnes âgées. « Il faut passer des droits virtuels aux droits réels », « de l’obligation de moyens à l’obligation de résultats ». Nicolas Sarkozy « propose que pour chaque droit nouveau une collectivité responsable soit désignée, de telle sorte que la responsabilité politique soit clairement établie ». Il ajoute : « Les citoyens pourront faire valoir leurs droits devant les tribunaux face aux collectivités ou aux institutions qui ne se seraient pas donné les moyens de rendre effectifs les droits dont elles sont responsables ». Suivant les cas, au bout de cinq ou dix ans (fin du premier ou du second quinquennat de Nicolas Sarkozy…), le droit au logement, le droit à la garde de ses enfants, le droit à la prise en charge de la dépendance deviendront « opposables ». « C’est cela la rupture », conclut l’orateur.

 

Ce discours est-il celui d’un libéral, voire d’un « ultra-libéral » ? Rassurons Nicolas Sarkozy : certes non ! Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler quelques grands principes libéraux.

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Historiquement, il existe deux catégories de droits de l’homme : les vrais et les faux. Les vrais droits de l’homme, ce sont les droits-libertés : liberté, propriété, résistance à l’oppression, etc.. Ce sont ceux qui ont été déclarés à partir du XIIème siècle dans les grands textes anglais, puis à la fin du XVIIIème siècle en Amérique et en France. Les faux droits de l’homme, ce sont les
droits-créances : droit au travail, au logement, aux prestations sociales, à un environnement sain, etc.. Ce sont ceux qui ont été inventés en permanence depuis plus de deux siècles dans les textes à caractère socialiste. A l’image de la monnaie, les faux droits chassent les bons. Certes, dans les deux cas, les droits sont « opposables », mais de manière totalement différente. Les droits-libertés sont opposables à l’Etat dans le sens où ils participent du grand mouvement du constitutionnalisme. Les constitutions ont été écrites, les droits de l’homme ont été déclarés pour que l’arbitraire, qui des monarques, qui des églises, soit combattu. Il s’agit d’interdire aux autorités d’empiéter sur les libertés des individus. Ainsi, l’Etat, au sens large du terme, a-t-il par exemple l’obligation de respecter le droit de propriété, la liberté d’expression ou de religion. Aucun de ses agents ne saurait l’enfreindre sauf à verser dans l’arbitraire. Les droits-libertés sont des droits contre l’Etat, des « droits de ». Les droits-créances sont d’une tout autre nature. Ils sont opposables à l’Etat dans le sens où chaque individu ou groupe peut légalement attendre de l’Etat une prestation particulière : un travail, un logement, une retraite, un environnement sain, etc.. Les droits-créances sont des droits par l’Etat, des « droits à ».

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Reprenons le discours de Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas tant au nom de la « morale républicaine » - foin d’hypocrisie ! Appelons un chat un chat – qu’au nom de principes à caractère socialo-communiste que des droits sont inventés. Certes, comme l’expose notre orateur, ces droits ne sont pas suivis d’effet pour certains d’entre eux… et heureusement ! C’est qu’ils sont inapplicables ! Certes, ils sont proclamés à titre publicitaire. Mais, ce que l’on doit regretter, ce n’est point qu’ils ne soient pas suivis d’effet ; c’est le fait qu’ils soient inventés et que des hommes politiques veuillent ultérieurement tenter coûte que coûte de leur donner une impossible effectivité ! Lorsque Nicolas Sarkozy avance qu’ « il faut passer des droits virtuels aux droits réels », il ne fait que reprendre une vieille lune marxiste. Les dirigeants des pays du « socialisme réel » et leurs affidés n’avaient pas de mots trop cruels pour brocarder le caractère « formel » des libertés occidentales. Il ne servait à rien, disaient-ils, de proclamer le droit de propriété si les plus pauvres n’y avaient pas accès (« le pauvre n’est pas libre », s’exclame d’ailleurs Nicolas Sarkozy un peu plus haut…). Qu’est-ce que le « droit au logement » ? C’est le droit d’un « citoyen » d’obtenir de l’« Etat » un « logement social ». Qu’est-ce que le « droit au travail » ? C’est le droit d’un « citoyen » d’obtenir de l’ « Etat » un poste de fonctionnaire ou un « emploi bidon ». Car la question est bien de savoir qui va fournir ces droits. Ce ne peut être que l’« Etat ». Nicolas Sarkozy ne s’en cache pas : « Pour chaque droit nouveau (sic), une collectivité responsable (sic) » doit être désignée. Les conséquences sont adamantines la « responsabilité politique » doit être clairement établie. La promotion des droits-créances s’analyse en effet comme un vaste mouvement de politisation de la société. Certes, objectera-t-on, le Président de l’UMP ne parle pas du « droit au travail ». Mais qui empêchera la croissance indéfinie des droits-créances ? A partir du moment où tout individu ou groupe détient un droit sur la « société », celui-ci peut se décliner à l’infini. Il n’existe plus aucune limite à l’extension de l’Etat qui agit selon son bon vouloir, dans l’arbitraire le plus total. Or, aux fondements du libéralisme se trouve une césure radicale entre l’Etat et la société civile. Défendre les droits-créances, c’est élargir la sphère de l’Etat aux dépens de la société civile ; c’est réduire la Liberté ; c’est porter atteinte à la subsidiarité bien entendue. Disons-le sans détours : augmenter les droits-créances, c’est augmenter le socialisme.

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Nicolas Sarkozy entend, nous dit-il, incarner le « renouveau » et la « rupture ». En réalité, il ne fait du vin nouveau que dans de vieilles outres. Les socialistes en ont rêvé, Nicolas Sarkozy l’a fait.

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