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Libéralisme et religions

par Alain Genestine 7 Juillet 2007, 23:36 Libéralisme


L'Islam et l'Occident : chassons les malentendus

Il y a quelques temps, Le Figaro a pris une heureuse initiative en ouvrant un débat sur le thème : "Libéralisme et religion". A cette occasion le journal a publié l'interview de trois personnalités religieuses de premier prlan : Monseigneur Jean Marie Billé, président de la Conférence des évêques de France, Jean Kahn, président du Consistoire central des Israélites de France, et Dalil Boubakeur, recteur de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris.

Par Henri LEPAGE
Henri Lepage



Libéralisme et religion

Résultat : un véritable procès du libéralisme. Comme il fallait s'y attendre, le libéralisme est assimilé à un économisme matérialiste. Les interviews traduisent une sérieuse méconnaissance de la nature et de l'histoire intellectuelle du libéralisme. A les lire, le libéralisme se réduirait à l'apologie du libre-échange et de la mondialisation, du profit et de la spéculation, d'un individualisme jouisseur faisant fi de toute valeur morale et sociale.

Il est vrai que notre société ne voit du libéralisme que sa dimension économique. Mais, précisément,on pouvait attendre de leaders religieux qu'ils fassent preuve d'une intelligence un peu plus approfondie de l'histoire des doctrines philosophiques, morales et même politiques ; et notamment qu'ils montrent une meilleure compréhension des rapports entre valeurs et politique.

L'interview dont la tonalité se révèle en définitive la plus favorable au libéralisme est celle du recteur musulman. Cette relative surprise nous a incité à saisir cette occasion pour rendre disponibles sur Internet deux textes publiés par l'Institut Euro 92 il y a déjà près de cinq ans, mais qui, étant donné leur sujet restent toujours d'actualité.

Le premier est la traduction d'un long article de Dean Ahmad, le fondateur d'un institut qui consacre ses activités à diffuser la pensée libérale dans les milieux musulmans américains. Intitutlé "L'économie politique de la société islamique classique". Le second, la transcription d'un colloque organisé sur le thème "Islam et Libéralisme".

Pour compléter ce dossier, nous avons choisi d'ajouter un troisième élément. Il s'agit d'une communication présentée par un historien, Antony Sullivan, lors du congrès 1999 de la Philadelphia Society, une organisation qui rassemble chaque année tous les grands intellectuels libéraux américains. Ce texte, dont nous avons traduit de larges extraits, a été ensuite publié dans le numéro Octobre 1999 de la revue du MIddle East Policy Council.

Membre de la Société du Mont Pèlerin, Antony Sullivan participe souvent aux travaux de l'Université d'été d'Aix en Provence. Ami personnel de Leonard Liggio, c'est un grand spécialiste de l'islam et de l'histoire des sociétés musulmanes. Son texte est particulièrement intéressant en ce qu'il nous montre à quel point nous vivons à présent sur une image de l'Islam déformée par l'intégrisme et les circonstances politiques de notre époque.

Intolérance et violences

Le grand problème auquel nous sommes actuellement confrontés est celui de l'intolérance religieuse qui règne, voire explose, dans une grand partie du monde musulman d'aujourd'hui. Y a-t-il un lien avec certaines spécificités de la foi islamique ? Beaucoup d'occidentaux, même parmi nos amis libéraux, le pensent. A cela certains répondent en rappelant qu'au moment des croisades, et même plus tard (sous l'Inquisition, par exemple), c'étaient plutôt les chrétiens occidentaux qui apparaissaient aux yeux des arabes de l'époque comme de véritables barbares, chevaliers de l'intolérance, massacrant gaiement les populations au nom de la foi, ou imposant leurs conversions forcées.

Si j'interprète bien ce qu'écrivent nos amis, leur message est qu'il n'y a rien dans le Coran qui conduise inéluctablement à l'ordre moral contraignant d'états et de régime politiques théocratiques, si l'enseignement du Prophète est correctement entendu. Bien au contraire puisque le Coran proclame que la foi, et l'obéissance à la foi, relèvent avant tout de l'intériorité personnelle. L'intégrisme théocratique des mouvements fondamentalistes relèverait ainsi d'une autre logique que religieuse : une logique de récupération du religieux mis au service d'ambitions et de finalités politiques.En ce sens, les violences actuelles du monde islamique devraient s'interpréter non comme liées à l'essence de l'Islam, mais plutôt omme le sous-produit contingent d'un ensemble de comportements politiques et idéologiques déclenchés dans les pays pauvres par le processus de la décolonisation.

D'aucuns nous diront que voilà une vision bien naïve et angélique de l'Islam. Ce fut précisément la réaction de certains de nos amis, parfois très proches, lors du séminaire-colloque de 1995. Nous pensons qu'il y a là matière à un beau débat et à d'intenses discussions. Nous aimerions que vous soyez nombreux à réagir et à donner votre point de vue sur la lecture de ces trois documents.

Henri Lepage

L'ISLAM ET L'OCCIDENT

 

par Tony SULLIVAN

http://www.alesco.com.au/images/exec_tSullivan_photo.jpg


Les temps actuels ne sont peut-être pas très propices pour parler objectivement de l'Islam. A l'ouest, l'Islam est de plus en plus associé à l'image du terrorisme. Dans le monde musulman, une petite minorité d'extrémistes défigurent ce qui est la troisième et sans doute la plus tolérante des grandes religions monothéistes en invoquant la religion pour justifier des actes qui relèvent de la criminalité la plus commune. Les actions terroristes d'individus qui se disent musulmans constituent d'abord et avant tout une attaque contre l'esprit de tolérance, de compassion et de clémence qui, historiquement, caractérise l'Islam à la fois en tant que doctrine et pratique religieuse.

Sans doute faut-il rappeler que c'est par le truchement d'auteurs arabes (comme Abdala le Sarazin, découvert par l'humaniste italien Pico della Mirandola) que l'Occident a retrouvé le concept de la dignité humaine et des droits de l'homme, à l'époque de la Renaissance. "J'ai lu dans les archives des autorités religieuses arabes, écrit Pico, qu'Abdala le Sarazin, à qui on demandait ce qu'il pensait qu'était la plus grande merveille du monde, répondit : rien n'est plus merveilleux que l'Homme !". Qui était cet Abdala ? Personne ne le sait vraiment. Peut-être un parent du Prophète, à moins qu'il ne s'agisse d'Ibn Qutaiba, un humaniste de l'époque des Abbasides, auteur d'un ouvrage sur La création de l'Homme.

Le problème aujourd'hui est que, tant à l'Ouest que dans le monde musulman, la tendance est à oublier ce que les religions ont d'universel, et donc de commun. De plus en plus rares sont les efforts déployés pour acquérir une meilleure connaissance des "autres". J'ai peur que si chrétiens et musulmans ne s'écoutent pas davantage lorsqu'ils adressent leurs prières à leur Dieu commun, ils ne finissent par s'affronter sur d'obscures champs de bataille. Les guerres entre religions ou entre civilisations sont des guerres que personne ne gagne jamais. Alors que commence un nouveau siècle, j'aimerais que chrétiens et musulmans en profitent pour tenter un nouveau commencement.

Il est essentiel que les occidentaux comprennent enfin que le Coran interdit toute imposition forcée de l'Islam à des non musulmans. Le Coran croît au libre-arbitre, conçu comme la liberté reconnue à chacun de choisir de croire ou de ne pas croire. En ce qui concerne la tolérance religieuse, le Coran est formel : "Nulle contrainte en religion !" (2:256). "La vérité émane de votre Seigneur", écrit le Coran ; "Quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque le veut qu'il mécroie" (18:29). Plus loin : "Ô gens ! Certes la vérité vous est venue de votre Seigneur. Donc, quiconque est dans le bon chemin ne l'est que pour lui-même ; et quiconque s'égare, ne s'égare qu'à son propre détriment"(10:108). Lorsque certains musulmans, ou des régimes qui se disent Islamistes, violent ces injonctions favorables à la tolérance et au pluralisme religieux, ils ne font rien moins que transgresser les dogmes les plus fondamentaux de l'Islam lui-même (..).

Les musulmans comprennent leur foi comme une forme pure et inaltérée du monothéisme d'Abraham, purgé de toutes les trahisons textuelles et malentendus théologiques qui, disent-ils, entâchent les traditions judaïques et chrétiennes. Pendant toute une période, après que Mahomet ait commencé son aventure, en 610 après Jésus-Christ, il est clair qu'il n'avait aucune conscience qu'il allait établir une forme nouvelle et totalement distincte de monothéisme abrahmique. Il concevait sa mission comme celle de n'importe lequel des prophètes qui, reconnaissait-il, l'avaient précédé. Cette mission, comme toutes les précédentes du monde sémite ancien, consistait tout simplement à appeler l'humanité à se repentir de ses fautes pour découvrir l'amour et la clémence de celui qu'on nomme en langue arabique al-Lah, c'est à dire le Dieu seul et unique. Mahomet a intégré dans le Coran de nombreux passages des écritures tant juives que chrétiennes. Ce n'est qu'en 624 qu'il demanda que les prières se fassent désormais non plus en se tournant en direction de Jérusalem, mais de La Mecque, la capitale commerciale de l'Arabie. C'est par ce geste spectaculaire, en remplaçant Jérusalem par La Mecque, que Mahomet fit de l'Islam une religion monothéiste distincte et séparée des deux autres religion révélées de la tradition abrahmique auxquelles il devait pourtant beaucoup.

C'est pourquoi il me semble que les occidentaux font une erreur en qualifiant leur civilisation de "judéo-chrétienne". Le terme de civilisation "abrahmique" conviendrait mieux. L'expression "judéo-chrétienne" conduit à exclure l'Islam d'un monde de valeurs que seuls les juifs et les chrétiens partageraient. En ce sens, c'est non seulement inexacte, mais cela conduit aussi à renforcer à tort le sentiment de différence et d'opposition qui existerait entre l'occidental et le stéréotype du musulman vu comme un ennemi. Les occidentaux ignorent souvent qu'en fait l'Islam partage avec le Judaïsme et le Christianisme une longue histoire commune ainsi que de nombreuses croyances et orientations religieuses et culturelles. Selon les termes même de l'Iman Muhammad Abd al-raouf, les musulmans croient "à l'Evangile chrétien, au Prophète chrétien (Jésus-Christ), à ses douze apôtres, à la virginité de sa mère, et à sa miraculeuse naissance… Par dessus tout, nous partageons la même croyance en notre Dieu commun". Pour dire les choses plus directement, disons clairement que sans le Judaïsme ni le Christianisme qui l'ont précédé, l'Islam tel qu'enseigné et pratiqué aujourd'hui n'aurait tout simplement jamais existé.

Notons au passage que ce terme "judéo-chrétien" n'a vraiment acquis l'usage qui en est fait que depuis un peu moins de cinquante ans. Dans les années cinquante, pour dire la même chose, on parlait alors de l'héritage "gréco-romain". Il reste encore à écrire l'histoire de ce passage du "gréco-romain" au "judéo-chrétien". Avec quelques 6 millions de musulmans aux Etats-Unis, contre seulement 5,6 millions de juifs, et d'importantes communautés musulmanes dans tous les grands pays d'Europe, il me semble que le moment serait venu de repenser comment décrire de manière plus exacte les civilisations et les catégories appartenant à l'univers des religions monothéistes. Il me semble essentiel de bien comprendre qu'à ce titre, l'Islam appartient totalement à l'Occident, ainsi que de reconnaître que l'Occident est devenu ce qu'il est grâce et par l'Islam.

Il faut se souvenir que la Révélation islamique s'est déroulée et s'est diffusée exactement sur les mêmes lieux et dans le même environnement sémitique que le Judaïsme et le Christianisme. Comme eux, l'Islam est né aux alentours de la Méditerranée(..). Tant sur le plan religieux que culturel, l'Islam - plus précisément l'Islam arabe - doit être considéré comme faisant partie de la même civilisation méditerranéenne qui a si profondément marqué tant le Judaïsme que le Christianisme. En vérité, quoiqu'on en dise souvent, l'Occident ne s'arrête pas au Bosphore ; il s'étend jusqu'à l'Indus.

A cet égard, il est intéressant de remarquer que, tant pour les chinois que pour les indiens, l'Ouest est conçu comme l'aboutissement d'un seul bloc de civilisation fruit de trois éléments constituants : Byzance, l'Europe, et le monde de l'Islam méditerranéen. Il est certain que pour les autres civilisations qui se situent à l'Est, l'Occident ne se réduit pas à l'addition de l'Europe et de l'Amérique, mais comprend également tant le monde de la Chrétienté arabe que celui des arabes musulmans. Le remarquable historien qu'est Léonard Liggio a fort bien démontré ce point en écrivant :

"Quand l'Islam a émergé, il a épousé ( tout particulièrement en Syrie) la culture grecque que tant Byzance que l'Europe refusaient alors. L'Islam a poussé les arts de la logique, de la philosophie et de la science bien au-delà de ce dont il avait hérité du monde grecque. C'est cette tradition intellectuelle que le monde islamique a ensuite transmis à l'Europe… L'Europe s'est construite en grande partie sur les épaules de cette tradition islamique. De la même façon, l'Islam a construit sur les traditions capitalistes et commerciales du monde grecque, et pendant plusieurs siècles se retrouvé fort en avance sur ce qui se passait alors en Europe et à Byzance. Plus tard, l'Islam a souffert du joug de la domination Ottomane. L'Islam est devenue partie intégrante d'un seul grand empire, divergeant en cela de l'Europe qui est restée éclatée entre un grand nombre de polities rivales mais partageant une même continuité culturelle…"

L'idée centrale de Liggio est que les trois religions de la Révélation se sont façonnées mutuellement et qu'il faut toutes les considérer comme héritières de la civilisation grecque. Pour Liggio il ne fait aucun doute que le Judaïsme, la Chrétienté et l'Islam font partie d'une même grande civilisation dont la frontière orientale, comme je vous l'ai dit, se situe plutôt sur l'Indus qu'au détroit du Bosphore.

Il est vrai qu'aujourd'hui, parmi le milliard de musulmans que compte le monde, il n'y a plus guère qu'un musulman sur cinq qui soit arabe. La grande majorité des musulmans se trouvent désormais concentrés dans l'est et le sud-est de l'Asie. Il y a plus de musulmans en Malaisie seulement (185 millions) que dans tout le monde arable(..). Il n'en reste pas moins que lorsque Samuel P. Huntington annonce un futur clash des civilisations mettant face à face l'Islam et l'Occident, ce n'est pas du tout à ces musulmans là qu'il pense. Son problème, c'est la minorité de musulmans arabes qui, avec leurs frères arabes chrétiens, habitent le sud et l'est du bassin méditerranéen. Personnellement, je me demande comment 250 millions de musulmans arabes, gouvernés le plus souvent par des états faibles et non démocratiques, en pleine déconfiture économique, pourraient un jour être en mesure de monter une grande croisade anti-occidentale susceptible de réellement mettre l'Ouest en danger ? Huntington n'apporte pas de réponse à cette question (..).

Aucun terme ne donne davantage lieu à malentendu que celui de "jihad", et cela tant de la part des musulmans que des non musulmans. Pour les milieux musulmans extrémistes, comme pour le grand public occidental, le mot jihad est immédiatement associé à l'idée de conflit militaire, d'usage de la force, de contrainte, et d'intolérance. J'insiste pour faire remarquer que toutes les entendements du jihad qui en font d'abord et avant tout une expression de violence sont en réalité totalement en contradiction avec les enseignements du Coran. Ils sont radicalement anti-coraniques, et représentent un puissant obstacle au renouveau d'un véritable dialogue entre l'Ouest et le monde musulman.

A l'Ouest, la plupart de ceux qui s'en prennent à l'Islam sont en réalité des gens qui n'ont aucune connaissance de l'arabe. Il faut commencer par étudier les différents sens du mot jihad, tels que le résument les deux meilleurs dictionnaires d'arabe que je connaissent. La racine arabe du mot jihad peut désigner toute une série d'action possibles : "essayer", "tenter", "faire tout son possible", "s'efforcer de", "se battre pour", "se mettre en quatre"… Dans les quatre classes de verbes où la racine apparaît, on n'en trouve qu'une (la classe trois) où l'usage de cette racine renvoie à une notion impliquant une quelconque activité militaire. Et même là, la connotation guerrière n'apparaît-elle qu'à un niveau subsidiaire. Les deux dictionnaires s'accordent ainsi pour reconnaître que les expressions "faire tout son possible pour", ou " se battre pour", prises dans une acception essentiellement d'effort moral et sprirituel, sont encore celles qui se rapprochent le mieux du sens principal défini par ce verbe.

Historiquement, Jihad a toujours été compris par les musulmans comme voulant dire deux choses différentes, l'une étant de loin plus importante que l'autre. La "grande" jihad se réfère à l'éternet combat qui oppose l'âme chaque être humain aux tentations et aux ruses de Satan. La "petite" jihad, celle sur laquelle on insiste le plus aujourd'hui mais qui n'avait jamais joué qu'un rôle mineur dans l'histoire de l'Islamn, se rapporte à la conduite d'une guerre défensive entreprise pour protéger la communauté islamique. Le Coran ne s'exprime très explicitement que pour ce qui concerne l'acceptabilité d'une guerre défensive : "Et combat à la manière de Dieu ceux qui combattent contre toi ; ne soit pas l'agresseur, car surement Dieu n'aime pas les agresseurs" (2:19). Le combat, explique le Coran, est permis aux musulmans, mais seulement contre les gens "qui ont violé leurs serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous ont attaqués les premiers" (9:13). Quand une guerre pour défendre sa foi est inévitable, le Coran explique clairement que personne ne doit en profiter amasser des richesses pillées. " Qu'ils combattent donc dans le sentier d'Allah, ceux qui troquent la vie présente contre la vie future" (4:74). Surtout, le Coran insiste sur le fait que la Paix est largement préférable au conflit militaire : " Et s'ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en Allah… Et s'ils veulent te tromper, alors Allah te suffira" (8:61,62). En fait l'acception coranique de jihad est très proche de la notion chrétienne de "guerre juste".

Je conclurai donc par une citation extraite d'un livre où un auteur américain, Peter Kreeft, du Boston College, imagine un dialogue fictif avec Mahomet. "Islam et jihad, fait-il dire au Prophète, sont deux termes intrinsèquement interdépendants. Car Islam veut dire non seulement "soumission", mais aussi "paix", la paix que le monde concret ne peut pas donner, la paix que seul Dieu peut apporter quand nous nous soumettons à Lui. Cette soumission requiert une jihad intérieure, une guerre contre la guerre que menons contre notre Seigneur. Nous aboutissons ainsi au paradoxe que la paix (Islam) ne peut être atteinte qu'au terme d'une guerre (jihad). Mais cette paix mène aussi à la guerre, car la soumission qui en est la condition nous impose d'obéir à la volonté de Dieu qui est, pour nous, de devenir les combattants de la foi contre le mal".

S'il est déjà difficile de parler de l'Islam objectivement, il est aujourd'hui encore plus difficile de persuader les gens que le renouveau de l'Islam contemporain est en réalité quelque chose de radicalement différent de l'image fanatique et politiquement extrémiste à laquelle les médias occidentaux nous ont habitués. Au moins dans le monde arabe, la référence au "fondamentalisme" évoque en priorité un phénomène de modération politique, favorable aux valeurs traditionnelles, à des formes de gouvernement limité et responsable, ainsi qu'à un développement économique fondé sur la propriété privée et l'entreprise. Ce renouveau islamique a largement réussi là où les nationalistes arabes anti-religieux avaient échoué ; par exemple pour faire sortir les femmes de leur réclusion domestique et les inciter à intervenir activement tant dans la vie politique qu'au sein de la société civile. Comme les conservateurs américains, la plupart des personnes et des groupes impliqués dans ce renouveau islamique contemporain s'accordent sur un programme qui donne la priorité aux "choses permanentes", à "la sagesse des anciens", et à toute une série d'orientations culturelles profondément opposées au radicalisme laïque des anciens nationalistes. A ce jour, le Vatican est la seule de toutes les institutions occidentales à admettre cette vérité.

Aussi le retour d'une foi religieuse active dans l'ensemble du monde musulman est-il quelque chose dont nous devons plutôt nous féliciter. Ce renouveau islamique a largement purgé les pays musulmans (à l'exception notable de l'Irak et de la Syrie) des influences socialistes et nationalistes qu'a incarné autrefois Gamal Abdel Nasser. Partout les mouvements islamiques s'efforcent de faire renaître une véritable société civile, un "troisième secteur", à la disparition desquels l'étatisme nassérien s'était tant attaché. Aujourd'hui, les intellectuels arabes et musulmans mènent campagne pour réduire les pouvoirs de l'Etat et réaliser un équilibre approprié entre liberté et communauté. Partout, ces intellectuels développent une conception de la culture et des rapports entre tradition et société fort proche de ce que l'on trouve aujourd'hui chez le regretté Russell Kirk, chez Robert Nisbet, ou encore chez Grace Goodell, ce professeur de John Hopkins University spécialiste des cultures et sociétés du tiers monde. Cette réaffirmation d'un courant conservateur dans le monde musulman devrait être exploité pour y recruter de nouveaux alliés dans le combat que nous menons aujourd'hui contre le radicalisme laïque de la modernité finissante qui domine tant nos modes de pensée contemporains (..).

 
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commentaires
L
<br /> <br /> Libertalie Bastiat<br /> <br /> C'est très intéressant et superbement écrit ;o)<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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