Au début de l'année, l'Europe avait deux grands objectifs: réussir la libéralisation du marché de l'énergie et diminuer sa dépendance à l'égard de la Russie. A mi-parcours, le bilan est franchement mauvais.
Au 1er juillet, tous les ménages européens pourront choisir librement leur fournisseur d'électricité ou de gaz. Peu le feront, sauf dans les pays nordiques, où la concurrence fait partie des habitudes. En France, les ménages sont instamment priés de ne pas quitter leur opérateur, sous peine de se voir pénaliser par des hausses massives des tarifs. Seule nouveauté exotique dans le paysage: la libéralisation a fait naître des offres d'énergies «vertes». Mais, à l'évidence, les ménages français (comme du reste leurs voisins suisses) continueront de financer les rabais colossaux accordés aux industriels et autres champions nationaux.


Cette évolution se double d'une infamie: l'anti-libéral Nicolas Sarkozy a obtenu que la notion de concurrence «non faussée» soit gommée du Traité constitutionnel, qui remplacera la Constitution. Avec ce coup de canif, les autorités de régulation, chargées de protéger les consommateurs, sont plus que jamais à la merci des égoïsmes nationaux qui rongent la compétitivité de l'Europe des 27.
Le second objectif de l'Union européenne qui consiste à réduire sa dépendance gazière vis-à-vis de la Russie est en panne, alors même que les risques de pénurie augmentent. Moscou, en l'occurrence son champion national Gazprom ne parviendra pas à honorer les livraisons de gaz promises dès 2010 déjà. Depuis que le Kremlin a repris en mains le secteur énergétique, la Russie produit toujours moins de gaz et de pétrole. Quant aux nouveaux gisements de Sibérie, le Kremlin n'a ni la technologie, ni les capitaux nécessaires pour les valoriser. L'éviction récente de BP des champs gaziers sibériens ne fait qu'aggraver ce que l'expert de l'Ifri Christophe-Alexandre Paillard qualifie de «mode d'emploi pour un suicide énergétique». Le bilan énergétique de la Russie est en réalité catastrophique et s'aggrave chaque jour davantage: les pertes de gaz dans le réseau ou plus simplement le gaspillage équivaudraient à plus de 30% de la production; ses besoins en gaz pour assouvir sa soif d'électricité ne sont déjà plus satisfaits et le rationnement existe dans certaines villes... pour assurer tant bien que mal les livraisons vers l'Europe de l'Ouest. Bruxelles n'ignore rien du risque réel de pénurie et cherche tout naturellement du gaz dans les anciennes républiques soviétiques, le gaz turkmène et de la Caspienne. Vladimir Poutine vient toutefois de prendre les Européens de vitesse en annonçant un accord avec le tout nouveau président turkmène. L'accord prévoit la construction d'un gazoduc qui contournera la mer Caspienne et transportera le méthane de son ex-vassal vers la Russie. L'Europe et les Etats-Unis ont bien un projet concurrent, le gazoduc Nabucco (voir carte), qui vise à siphonner les champs gaziers de la Caspienne, mais il se heurte à un obstacle de taille: le franchissement de la Turquie. Depuis que le président français a obtenu le ralentissement des négociations avec Ankara, les Turcs ne sont plus pressés d'accueillir les tuyaux du projet Nabucco. En bon joueur d'échecs, Moscou en profite pour multiplier les annonces de nouveaux gazoducs destinés toujours à l'Europe... avec le gaz de ses voisins, mais dont Gazprom contrôlerait l'exploitation, au grand dam des pays du Caucase qui rêvent d'avoir des clients qui paient en devises fortes et à des tarifs normaux. Or, après l'Allemagne qui a contourné la Pologne et l'Ukraine avec son projet de gazoduc sous la Baltique, l'Italie (Eni) et la France (Total (FP.PA)) négocient en solo des accords avec le géant russe alors même que la stratégie officielle de Bruxelles vise l'union sacrée et surtout la diversification des sources d'approvisionnement.
A Bruxelles, ça sent le gaz, et l'odeur pourrait bien être celle d'un suicide énergétique.
Ouverture de l'électricité et du gaz à la concurrence: des questions-réponses pour mieux s'y retrouver
A partir de dimanche, les consommateurs auront le choix entre deux types de tarification pour l'électricité et le gaz: un tarif réglementé par les pouvoirs publics et un prix
libre. Voici une série de questions-réponses pour mieux s'y retrouver:
- Qu'est-ce qui change au 1er juillet?
Le consommateur va pouvoir s'approvisionner en gaz et en électricité chez d'autres fournisseurs qu'EDF et Gaz de France. Il aura deux possibilités: soit conserver ses contrats en cours avec les fournisseurs historiques et continuer à bénéficier des tarifs réglementés, soit quitter les tarifs réglementés et choisir une offre au prix de marché. Ces offres seront proposées par tous les fournisseurs d'énergie, y compris EDF et Gaz de France, qui pourront donc proposer deux types de tarifications.
- Quelle est la différence entre les tarifs réglementés de l'énergie et les prix de marché?
Les tarifs réglementés sont fixés par le ministère de l'Economie, sur avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Ils ne peuvent être proposés que par EDF et GDF et leur évolution est contrôlée. Avant le 1er juillet, c'est l'offre dont disposent tous les consommateurs. Les prix de marché sont fixés librement par le fournisseur et déterminés par un contrat. Ils peuvent fluctuer plus rapidement que les tarifs régulés.
- Qu'est-ce que l'éligibilité?
C'est la possibilité pour un consommateur de choisir son fournisseur d'énergie. Celle-ci est liée au logement, et non à un client. En cas de souscription à une offre au prix de marché dans un logement donné, le consommateur ne pourra plus revenir en arrière et bénéficier d'un tarif réglementé pour ce site. C'est ce qu'on appelle "l'irréversibilité de l'éligibilité".
Pour bénéficier de nouveau d'un tarif réglementé, deux solutions s'offrent à lui: emménager dans un logement pour lequel le précédent occupant n'avait pas souscrit d'offre au prix de marché, que ce soit pour l'électricité ou pour le gaz, ou emménager dans un logement neuf ouvrant la possibilité de souscrire, pour l'électricité seulement, un contrat aux tarifs réglementés jusqu'en 2010.
- Après le 1er juillet, le consommateur sera-t-il contraint de souscrire une offre au prix de marché?
Non, le consommateur restant dans son logement après cette date, qu'il soit locataire ou propriétaire, pourra continuer à bénéficier des tarifs réglementés s'il conserve ses contrats actuels conclus avec les fournisseurs historiques.
S'il emménage dans un logement dont le précédent occupant avait conservé les tarifs réglementés, il pourra faire de même.
Il y a cependant deux exceptions à cette liberté de choix.
Pour le gaz, et seulement pour le gaz, en cas d'emménagement dans un logement neuf ou de nouveau raccordement au gaz dans son logement, il n'aura pas le choix et devra souscrire une offre au prix de marché. Pour l'électricité, il sera en revanche possible de souscrire, pour l'électricité et seulement jusqu'en 2010 pour l'instant, soit une offre au tarif réglementé, soit une offre au prix de marché.
Pour le gaz et pour l'électricité, en cas d'emménagement dans un logement dont le précédent occupant avait souscrit une offre de marché pour l'énergie considérée, il sera obligé de faire de même.
- Le groupe EDF peut-il proposer une offre au tarif réglementé pour le gaz? Et a contrario pour GDF avec l'électricité?
EDF pourra proposer aux consommateurs de l'électricité et du gaz. Mais tout contrat souscrit chez EDF pour le gaz se fera au prix de marché. En cas de souscription à une offre couplant l'électricité et le gaz chez le fournisseur historique, il est nécessaire de vérifier que la fourniture d'électricité est bien proposée au tarif réglementé si l'on souhaite conserver ce type de tarif.
De même, GDF pourra proposer les deux énergies, mais pour l'électricité, il s'agira forcément d'une offre au prix de marché. Il est là aussi nécessaire, en cas d'offre couplée, de vérifier que le gaz reste au tarif réglementé si on souhaite le conserver.
- Comment faire pour bénéficier de tarifs libres?
Il est nécessaire de comparer les différentes offres avant de changer de fournisseur, dont la liste est disponible sur les sites http://www.energie-info.fr ou http://www.cre.fr.
Une fois le contrat conclu, le consommateur n'a pas d'autre démarche à effectuer. Le nouveau fournisseur se charge de demander la résiliation de son ancien contrat auprès du fournisseur précédent. Il n'y a aucune coupure d'électricité ou de gaz pendant ce laps de temps. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire de changer de compteur. En outre, cela ne doit rien coûter au consommateur, le nouveau fournisseur devant s'occuper de tout gratuitement.
Le changement de fournisseur n'est pas irréversible. Il est possible d'en changer à nouveau, voire de revenir au précédent. Mais il ne sera plus possible de bénéficier de tarifs réglementés, y compris en revenant chez EDF et GDF. Il est possible d'avoir deux fournisseurs, l'un pour l'électricité et l'autre pour le gaz.
- La qualité de l'énergie achetée dépend-elle du fournisseur?
La qualité de l'énergie qui arrive jusqu'au compteur dépend des gestionnaires de réseaux. Elle est la même quel que soit le fournisseur d'énergie. Le transport et la distribution de l'électricité et du gaz restent une activité gérée en monopole.
- Les services d'urgence et de dépannage (électricité et gaz) varient-ils selon les fournisseurs?
Ces services sont toujours assurés par le gestionnaire du réseau de distribution, quel que soit le fournisseur d'énergie. Leurs numéros de téléphone (qui figurent sur les factures d'électricité et de gaz) et leurs délais d'intervention resteront inchangés, dans tous les cas.
- Qu'est-ce qui va changer sur la facture?
Aujourd'hui sur sa facture, le consommateur peut connaître le prix de son abonnement, le prix des taxes et le prix du kWh ou du m3 de l'énergie consommée. Ce prix est quelquefois différencié selon la période de la journée. A partir du 1er juillet, le coût d'acheminement de l'énergie, c'est-à-dire le prix de transport et de distribution de l'énergie, sera distingué du coût moyen du kWh ou du m3. Cette somme, payée par le consommateur, est perçue par le fournisseur qui la reverse ensuite au gestionnaire de réseau.
- Un locataire peut-il passer d'un tarif réglementé à un prix de marché sans l'autorisation de son propriétaire?
Oui, il en a tout à fait le droit, sachant qu'il engagera alors son propriétaire et les futurs locataires, qui ne pourront plus revenir au tarif réglementé.