Penser l'écologie en terme de responsabilité, en finir avec le fatalisme et le déni...

Qu'est-ce à dire sinon que les écueils qui sont à éviter sont la paranoïa et l'inaction ?
Il y a ce qu'individuellement chacun de nous peut réaliser à sa modeste échelle (tri, économie d'eau et d'énergie, propreté ; et ce qui ne peut être fait que par la puissance publique (protection des océans contre les pétroliers pollueurs, essor de la voiture propre, conservation du patrimoine des eaux et forêts...). Mais le bouleversement des pratiques et des mentalités appartient avant tout à l'action politique et sociétale.
Il ne devrait plus être à démontrer que l'humanité est menacée par les effets secondaires de nos inventions techniques et technologiques. Diagnostiquer le mal et tomber sous le coup de la verve fataliste, qui veut que « le ciel nous tombe sur la tête », ramènerait le discours logique et la pensée scientifique aux croyances les plus primitives. Cependant, entre ces postures immobiles, il en est une qui n'est ni conservatrice, ni lyrique : il s'agit de faire l'effort, en conscience, de mesurer l'enjeu de l'écologie et des retombées d'une absence de mouvement de l'action publique en sa faveur.
Si notre Hexagone n'a plus l'impact mondial dont il bénéficiait, il y a deux siècles au moment de la première révolution industrielle, sur le plan économique et politique, nombre de pays tendent encore l'oreille lorsque les hommes politiques français défendent des positions résolument modernes et justes. La France captive encore ! La mission pourrait nous incomber de construire une véritable pensée équilibrée (libérale) de l'écologie, une nouvelle éthique en somme.
Dans son ouvrage Le principe responsabilité (1979), Jonas y expose ses réflexions sur le rapport entre technologies et éthique, sur la maîtrise par l'Homme de sa propre puissance (les effets irréversibles que peuvent avoir les technologies sur la nature). Il insiste sur la grande différence avec les époques passées qui est la capacité de l'Homme à détruire l'humanité.
L'Homme serait pris, en quelque sorte, dans un processus de travail-consommation qui nierait la finitude des ressources dont dispose la planète. Les idéaux de l'homo faber, la permanence, la stabilité et la durée, auraient été sacrifiés à l'abondance, idéal de l'animal laborans (Hannah Arendt, La Condition de l'homme moderne, 1958).
De plus, toujours selon le philosophe Jonas, la technique moderne est caractérisée par le fait qu'elle ne se contente pas d'imposer à la société les conditions de son maintien, mais, bien au-delà, les conditions de son renforcement. Jonas refuse la croyance selon laquelle la technique saura toujours résoudre les problèmes qu'elle engendre. Pour lui, la technique moderne est « devenue sauvage » et elle doit par conséquent être domestiquée. L'homme croit contrôler la nature par le moyen d'une technique qu'il ne contrôle pas.
Depuis longtemps, la preuve est faite du désastre auquel conduit l'absence de réflexion sur la technologie au XXème siècle comme si le progrès justifiait à lui seul la prise d'un risque pour l'Humanité tout entière. Les études s'accumulent et découvrent des maladies et des anomalies touchant les adultes et les enfants et ne se limitant pas au simple fait de respirer du CO2. Les rivières, par exemple, sont parfois si polluées que la faune qui y vit ingère des produits toxiques qui entrent par la suite dans notre propre corps. Ces révélations cumulées présentent un avenir apocalyptique, et la peur, qu'elles engendrent, peut jouer un certain rôle dans la prise de conscience collective que les associations écologistes appellent de leurs vœux. Cependant, les Français ne doivent pas y céder. La raison doit guider notre approche du problème et favoriser des solutions constructives à la fois sur le plan écologique et économique.
Le refus du gouvernement d'abandonner le nucléaire semble s'inspirer d'un certain pragmatisme. Les emplois qui découlent de cette activité et les investissements réalisés par l'Etat, depuis plusieurs années, pour le développement de prototypes de centrale nucléaire amène le nouveau super-ministre du développement durable, Alain Juppé, à poser cette évidence : « Il n'y a pas de solution en matière énergétique dans les années qui viennent sans poursuite de l'équipement de la France en centrales électro-nucléaires » (Le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, 20 mai 2007).
Il n'en reste pas moins que d'autres voies peuvent être explorées : le taux de TVA réduit sur les voitures propres, proposé par le Président de la République, pourrait même être exporté dans l'Union européenne, un accord dans le cadre de l'ONU avec les principaux pays exportateurs et les transporteurs de pétrole pourrait également amener quelque amélioration dans l'entretien des pétroliers et une sécurisation de leurs parcours, des incitations fiscales visant les chefs d'entreprise afin qu'ils soient encouragés et non désavantagés dans leur choix écologique...
Enfin, il ne faut pas oublier le rôle éthique de la politique car c'est à elle qu'il revient de porter cette responsabilité en convaincant les citoyens de la nécessité de protéger le legs de l'Humanité.
Désormais, plus de neuf français sur dix se déclarent préoccupés par l'environnement (91% selon Ifop, étude d'octobre 2006), et plébiscitent l'utilisation des énergies renouvelables (32%), l'éducation à l'environnement dans les programmes scolaires (22%), la limitation des transports routiers en favorisant les transports ferroviaires et fluviaux (20%), et enfin l'instauration d'un délit anti-pollueur (20%) pour lutter contre la dégradation de l'environnement.
Enfin, le philosophe Jonas exprimait le concept de responsabilité sous la forme d'un impératif catégorique : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre » et « Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d'une telle vie. »