Nicolas Bonnal : Historien et essayiste.
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On nous avait promis une rupture tranquille, nous aurons la tranquillité sans rupture. Rarement gouvernement aura autant déçu les aspirations au changement politique dans cette France du IIIe millénaire, qu’on appelait aux plus grandes destinées sous les auspices sarkozyennes. Je dis déçu, certains seront peut-être ravis. Revoir Juppé, le vaincu de 97, ou bien Borloo pour la vingtième fois, compagnon de fortune de l’inévitable Tapie, gaspilleur des fonds publics dans la politique de la ville, ou bien revoir Kouchner, insatiable bateleur d’estrade du mondialisme politique le plus niais, tout cela ne peut qu’emplir de bonheur le ravi de la crèche de droite qui s’attendait à des mesures libérales ou nationalistes.
En réalité, on a l’impression d’un remake des raffarinades ou de l’époque la plus rose de notre histoire récente, quand le Mitterrand réélu de 88 pouvait convier qui il voulait à sa table d’hôtes, sur le dos de la France et de son avenir.
Ce qui frappe avant tout dans cette fine équipe, c’est son manque, au moins théorique, de compétences. On nous avait promis des compétences, plein de compétences : de compétent, il n’y a que Christine Lagarde, belle et brillante avocate internationale,

Elle a vécu la moitié de sa vie à Chicago. Les autres n’ont pas fait l’ENA, souvent même pas Sciences-Po (Hortefeux a arrêté en 86), et il semble que cette absence de diplômes soit un gage de compétence. On va nous dire qu’il était temps d’en finir avec l’ENA, et on est bien d’accord. Mais de là à recruter les banlieusards diplômés des filières parallèles, il y avait un pas que même les socialistes n’avaient pas franchi.
Les socialistes s’étaient d’ailleurs ouverts à la société civile en 1988, et on nous refait le coup vingt ans après, en ayant le culot de nous parler de rupture. Sauf qu’à la place de Guy Drut, d’Alain Calmat ou de l’autre médaillé olympique Jean-François Lamour, nous avons récolté la grosse comique Roselyne Bachelot, pharmacienne de son état, fille et héritière de député, quelque part dans le Grand Ouest qui a donné ses voix à la gauche.
Bachelot présidait aussi les amitiés franco-irakiennes : cela choque moins que Védrine, qui lui aussi était pro-arabe, mais a été jugé trop compétent. Il a d’ailleurs bien dit que Sarkozy ne voulait visiblement pas d’un ministère trop fort. Mais à part celui des Affaires sociales, quel ministère sera fort ?


Il faut reconnaître que cela est bel et bon : on ne nous a pas promis moins de clandestins ou moins d’impôts : on nous a promis d’être tous ensemble, même si cela ne sera pas sur le yacht de Bolloré.
On notera aussi que, dans ce défilé de compétences, on a bien des amis et bien des fils de notables ; c’est le cas de Fillon, estampillé gaulliste social, séguiniste et sans doute aussi héritier de Chaban et de son imbécile société bloquée… ou l’on retrouvait Delors. On a aussi Pécresse, fille de notable ami des Chirac ; et Alliot-Marie, infatigable harpie de la Chiraquie fatiguée (Vous vous souvenez : « La France, c’est Jacques Chirac et la tour Eiffel ! »)…
On a vu aussi que le président fraîchement élu s’est empressé d’aller rassurer l’Allemagne et l’Europe, qui ont si bien contribué à saccager notre appareil industriel. En bref, on peut dire qu’il y a dans ce gouvernement constitué comme une espèce de sans-faute de mauvais goût. Pour un peu, on ferait ses paquets, comme Manaudou ou bien Johnny.
C’est Devedjian qui a bien dit qu’être sarkozyste ce n’est pas être incompétent ; mais qu’est-ce que le sarkozysme, finalement ? Un gaullisme social de nouveau riche pas très bien élevé, et pas très bien entouré du point de vue culturel ? Ou un foutage de gueule supplémentaire de l’électeur de droite ?


Et l’électeur de droite, qu’est-ce que c’est après tout ? Sinon un cocu magnifique qui a donné sa voix à un autre bateleur, fils prodigue de la Chiraquie qu’on croyait enterrée ?