
Cette évolution des esprits s'avère trop rapide pour certains journalistes qui continuent de présenter l'Afrique comme "une victime de la mondialisation inéquitable", alors qu'en réalité elle est victime du protectionnisme et de l'étatisme.
Jacques Diouf, le président de la FAO, ne manque pas de remarquer le fait que les pays de l'OCDE subventionnent leur agriculture à hauteur de 12000 dollars par agriculteur et par an, tandis que les aides allouées aux pays en développement sont limitées à six dollars par paysan du tiers monde. Face à ce constat, plusieurs attitudes sont envisageables.
Faut-il demander l'augmentation de l'aide accordée par les pays développés ou les subventions accordées par les pays en développement jusqu'à ce que "l'égalité" soit rétablie ? Des illusions de ce type ont duré pendant des décennies et elles sont en partie responsables de la situation actuelle. L'assistanat, la corruption, la résignation se sont ajoutés à la malnutrition qui devait être combattue.
Une autre solution serait d'encourager la production agricole dans les pays en développement. Cela suppose de
pratiquer avec une grande prudence la politique d'aide en nature (qui ruine les producteurs locaux) ou en fonds (qui profite en priorité aux proches du pouvoir). Cela suppose également
l'ouverture des marchés des pays riches aux produits agricoles venus des pays en développement. De manière paradoxale, la possibilité d'exporter permettrait d'avoir davantage de produits
alimentaires sur place. En effet, l'accès aux marchés solvables rendrait rentable l'activité entrepreneuriale dans le domaine agro-alimentaire. Ce mouvement aurait des conséquences positives
sur le reste de l'économie, car le marché serait élargi. L'économiste Amartya Sen, Prix Nobel d'économie pour ses travaux sur les inégalités, la faim et la pauvreté partage cet avis.
L'effet serait beaucoup plus important que toutes les aides distribuées par les pays développés. Selon une étude réalisée par l'ONG Oxfam, "une augmentation de seulement 5% des exportations mondiales des pays en développement générerait 350 milliards de dollars, soit sept fois plus que l'aide reçue."
Cependant, cela nécessite une remise en cause de la manière d'envisager l'agriculture dans les pays développés. Il n'est plus possible de prétendre lutter contre la pauvreté et la faim dans le monde et en même temps exiger le maintien des barrières douanières pour les produits agricoles.