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Il y a t-il un cinquième pouvoir?

par Alain Genestine 27 Mars 2007, 16:44 Culture

26 mars 2007

Cinquième pouvoir ?

montesquieu_c.1174731203.jpgAgoravox organisait ce samedi les premières assises du “journalisme citoyen” sous l’intitulé “Rencontres du Cinquième pouvoir”. L’expression mérite d’être prise au sérieux. Car si jamais elle est juste, elle signifie que nous sommes en train de vivre un changement majeur dans l’équilibre institutionnel de nos démocraties. Chez les penseurs du libéralisme politique (de Locke à Montesquieu), nos libertés individuelles n’étaient garanties que par le jeu de contrôle mutuel entre pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. agora-vox.1174731326.jpg On y ajouta, depuis l’affaire Dreyfus (concernant le cas français), le pouvoir médiatique. Savoir si le pouvoir rhizomatique d’Internet peut à son tour être intégré à cette matrice institutionnelle, c’est se demander non seulement à quelles conditions un tel pouvoir est en mesure de contrôler les autres mais encore et peut-être surtout, s’il peut lui-même être contrôlé par les autres. De la réponse apportée à la seconde partie du questionnement dépend en effet le fait de savoir si Internet représente un plus, ou plutôt un moins, pour la liberté individuelle de chacun d’entre nous.

jaccuse.1174733449.jpgIl est clair que le “journalisme citoyen” sur Internet se construit presqu’intégralement à travers une critique, souvent radicale, des quatre autres pouvoirs et tout particulièrement, du quatrième (les médias traditionnels). Plus précisément, c’est par une dénonciation du manque d’indépendance de ces quatre autres pouvoirs les uns vis-à-vis des autres que le cinquième cherche à faire reconnaître sa propre indépendance. (On notera au passage que cette très forte attente d’indépendance à l’égard des quatre premiers pouvoirs fait des internautes les plus critiques des chantres du libéralisme [politique], qu’ils en soient ou non conscients et qu’ils l’assument ou non). Une première réflexion est possible sur ce plan: plus le cyberjournalisme citoyen se dégagera de son médiacentrisme, veillant à être ausi critique à l’égard des trois premiers pouvoirs qu’il l’est (à juste titre) à l’égard du quatrième, plus il gagnera en importance fonctionnelle au sein de nos démocraties.

daumier.1174733123.jpgIl ne suffit pourtant pas d’être une instance critique pour prétendre trouver sa place dans un jeu institutionnel organisé selon les principes libéraux. Encore faut-il que ce pouvoir critique soit indépendant de ceux qu’il critique. Ainsi les liens qui unissent certains blogeurs et cyberjournalistes à des médias traditionnels (qui les hébergent, les promeuvent ou dont ils sont les salariés) ou encore à certains partis politiques (dont ils sont plus ou moins ouvertement militants ou sympathisants) constituent-ils de facto une limite à l’indépendance du pouvoir rhizomatique. En ce domaine, pour pouvoir parler de “cinquième pouvoir”, font encore défaut les dispositifs qui permettraient d’imposer une incompatibilité statutaire et de la sanctionner.

barbichette22.1174731599.jpgEnfin, Internet ne deviendra un cinquième pouvoir au sens libéral qu’à condition de pouvoir être à son tour tenu par la barbichette par les quatre premiers pouvoirs. Cela suggère que les instances législatives, exécutives et judiciaires puissent poser plus nettement des limites (légales, réglémentaires et jurisprudentielles) à certaines dérives d’Internet (diffusion de fausses nouvelles, diffamation, atteinte à la vie privée, atteinte à l’image, etc.) qui ne sont pour l’heure pas réellement prises en considération par ces pouvoirs, ni non plus véritablement autorégulées par le pouvoir rhizomatique. Cela suggère également que les agents du pouvoir médiatique, au lieu de relativiser par des haussements d’épaule le caractère inexact, superficiel ou déontologiquement douteux de nombre d’informations circulant sur Internet, s’autorisent davantage à les dénoncer, en particulier, lorsque ceux qui les mettent en circulation, prétendent faire acte de “journalisme”.

internautes2.1174732579.jpgIl n’est pas certain que tous les internautes soient prêts à accepter de tels principes de contrôle mutuel. Il est en effet toujours tentant pour un pouvoir de critiquer les autres et d’estimer que s’agissant de soi, l’auto-régulation suffit: c’est précisément ce dont souffrent aujourd’hui les médias traditionnels ! C’est aussi ce qui empêche Internet de mériter pour l’instant d’être appelé “cinquième pouvoir”.

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