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Un pays dans l'impasse: HAÏTI entre dictature et pauvreté.

par Alain Genestine 20 Juillet 2007, 21:36 Culture

Au printemps 2004, alors que le pays devait célébrer le bicentenaire de son indépendance et de la proclamation de la toute première république noire du monde, tombait le gouvernement de Jean-Bertrand Aristide; depuis, la communauté internationale peine à reconstruire un semblant de démocratie dans ce qui fut jadis la « perle noire des Antilles ».

http://www.haiti-reference.org/images/plage001.gif

En effet, depuis la chute d’Aristide, cet ancien « petit curé des bidonvilles » qui a incarné, un temps, les espoirs de démocratie du peuple, l’État haïtien ne répond plus.

La mise en place du gouvernement provisoire de Gérard Latortue, en avril 2004, et ce, avec l’aval de la communauté internationale, n’a pu jusqu’à maintenant freiner la déliquescence des institutions politiques, civiles et juridiques du pays, déjà mises à mal par des années de régimes autoritaires.

Aujourd’hui, la capitale Port-au-Prince se retrouve aux mains de bandes armées qui se livrent, dans certains grands bidonvilles telle la tristement célèbre Cité Soleil, au lucratif « commerce » de l’enlèvement. Entre mars et décembre 2005, près de 2000 personnes ont ainsi été enlevées par des groupes criminels, malgré la présence d’un fort contingent de militaires des Nations unies.

Le système de justice est littéralement figé, tandis que les prisons du pays débordent de détenus en attente de procès; le système scolaire, ou du moins ce qu’il en reste, va d’une grève à une autre; les conditions sanitaires sont tout simplement désastreuses et la distribution d’eau et d’électricité est au mieux erratique.

Selon le directeur général de la Police nationale d’Haïti, Mario Andrésol, c’est le quart des 5600 policiers placés sous ses ordres qui est impliqué dans divers trafics et enlèvements.

Les critiques fusent de toutes parts, les uns accusant la Mission de stabilisation de l’ONU en Haïti (MINUSTAH) d’être responsable de l’insécurité en raison de son incompétence, les autres reprochant à certains candidats à l’élection présidentielle de financer leurs campagnes électorales grâce aux enlèvements. Et c’est sans compter la grogne de la population haïtienne qui regarde, impuissante, le Conseil électoral provisoire se buter à l’organisation d’élections sans cesse repoussées.

La communauté internationale a d’ailleurs sommé le gouvernement provisoire de Gérard Latortue de fixer au plus vite un calendrier électoral, avec le 7 février comme date butoir pour un premier tour.

En raison de « problèmes techniques », les élections présidentielles ont déjà été reportées à quatre reprises, passant du 13 novembre 2005 au 20 novembre, pour ensuite être repoussées au 27 décembre et au 8 janvier.

Le suicide, le 7 janvier dernier, du commandant militaire de la MINUSTAH, les enlèvements qui se poursuivent et les critiques ouvertes des dirigeants de l’opposition qui reprochent à l’ONU de ne pas les avoir consultés avant de fixer la date du 7 février laissent croire à nombre d’observateurs, sceptiques, qu’Haïti a bien du chemin à faire avant de goûter à la démocratie.

Capitale : Port-au-Prince
Superficie : 27 750 km2
Diaspora : 1 à 2 millions de personnes
Population : 8 121 000 habitants
PIB/habitant : 497 $ en 2002
PIB : 4 milliards de dollars en 2002
Croissance du PIB réel : -3,5 % en 2004
Dette extérieure totale : 1,4 milliard de dollars en 2004
Revenu moyen par habitant : 377 $
Monnaie : gourde
Régime : présidentiel
Chef de l'État : Boniface Alexandre, président par intérim
Chef du gouvernement : Gérard Latortue, premier ministre par intérim
Espérance de vie pour les femmes : 54 ans
Espérance de vie pour les hommes : 52 ans
Mortalité infantile : 73,45 pour 1000 naissances
Taux d'analphabétisme : 47 %
Langues officielles : le créole (depuis 1979) et le français (parlé par 10 % de la population)
Fête nationale : 1er janvier
Haïti est situé dans la mer des Caraïbes, dans la partie ouest de l'île d'Haïti, tandis qu'à l'est se trouve la République dominicaine. Il fait face à Cuba et à la Jamaïque.

Le pays offre un paysage montagneux. Son climat est tropical humide. Les pluies sont fréquentes au nord, alors que les régions sous le vent sont plutôt arides. Le socle granitique dont l'île bénéficie produit des sols très sensibles à l'érosion. Celle-ci est accentuée par la déforestation intense pratiquée par la population, qui se chauffe au charbon de bois faute d'électricité. Le domaine forestier est réduit à environ 4 % de la superficie du pays, et se trouve principalement en altitude.

La population haïtienne est très jeune : plus de 40 % des Haïtiens ont moins de 15 ans. Seulement 3 % ont plus de 65 ans, et l'espérance de vie est faible : 52 ans pour les hommes, 54 pour les femmes.

La population demeure rurale (près de 70 % vivent à la campagne), mais la pauvreté pousse les gens vers la capitale et ses bidonvilles. Port-au-Prince compte à présent plus de 2 millions d'habitants. Les petites villes pauvres, Cap-Haïtien et Gonaïves, en dénombrent 72 000 et 63 000.

Cartes d'Haïti et des Caraïbes
(cliquez sur les cartes pour les agrandir)




La population la plus pauvre des Amériques  


Haïti est caractérisé par sa pauvreté de masse, surtout dans le nord du pays. En tout, 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. En 2000, Haïti est classé au 150rang sur 174, selon l'indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement. Il se classe ainsi devant le Rwanda (qui occupe le 162rang), mais derrière l'Afrique du Sud (107rang). Cet indice prend en compte l'espérance de vie, le niveau d'instruction et le produit intérieur brut par habitant des pays. À Port-au-Prince, deux habitants sur trois vivent avec moins de 56 $ par mois.

Des inégalités sociales criantes

Du point de vue de la répartition des richesses, on estime que :
• 4 % de la population possèdent 66 % des ressources du pays;
• 16 % en détiennent 14 %;
• 70 % en possèdent à peine 20 %, les 10 % restants étant totalement démunis.


Des conditions sanitaires désastreuses

D'après l'Unicef, seulement 37 % de la population a accès à l'eau potable. Et le peu de moyens alloués à la prévention des maladies entraîne la propagation de nombreuses maladies infectieuses.

Le pourcentage d'enfants de moins de un an vaccinés en 1998, toujours selon l'Unicef, est de :
• 51 % contre la tuberculose;
• 40 % contre la diphtérie/tétanos/coqueluche;
• 39 % contre la poliomyélite;
• 49 % contre la rougeole.

Photo : Mélanie De Bellefeuille
 

En conséquence, la poliomyélite a réapparu. Des cas de charbon, de méningite et de tuberculose ont été enregistrés. Le paludisme et l'anémie sont légion. La forte mortalité infantile (111 pour 1000 naissances) s'explique aussi par les nombreuses diarrhées et infections de l'appareil respiratoire, en partie causées par la mauvaise qualité de l'eau. Enfin, le sida a connu une très forte progression. La prévalence du VIH/sida est estimée à 7 % à l'échelle nationale. Les estimations vont jusqu'à 11 % pour les zones urbaines.

Jusqu'en 1990, la population a perçu les bénéfices de l'aide internationale, qui a été coupée en 1991 après le renversement du président Aristide. La suspension de l'aide internationale et de prêts ces dernières années a contribué à la détérioration des conditions de vie des Haïtiens. Ils représentent une somme de 12 milliards de dollars (dont 4,5 de la part de l'Union européenne), promise lors du rétablissement du président Aristide en 1994. Cet argent est principalement destiné au développement du pays. Mais les irrégularités enregistrées lors des élections législatives et présidentielles en 2000 ont conduit, de nouveau, à leur gel.

L'espoir d'une vie meilleure… ailleurs

Tous ces facteurs, ajoutés aux problèmes politiques, poussent une partie de la population à fuir le pays. Entre 1 et 2 millions d'Haïtiens vivraient à l'étranger, en majorité aux États-Unis (surtout en Floride) et au Canada. Ils s'embarquent souvent sur des bateaux de fortune et n'hésitent pas à se jeter à la mer lorsque les garde-côtes américains interceptent le navire, au risque de se noyer. La plupart du temps, ils sont renvoyés dans leur pays. La communauté haïtienne de Floride se mobilise : elle souhaite faire accepter au gouvernement américain un alignement de sa politique envers les réfugiés haïtiens sur celle réservée aux Cubains. En effet, dès qu'un ressortissant cubain atteint la côte américaine, il est automatiquement accueilli comme réfugié politique.

Haïti estime que deux millions de ses ressortissants vivent à l'étranger, soit un quart de la population vivant en Haïti. Ils ont trouvé refuge principalement aux États-Unis, dans le reste des Antilles et en Europe.

À Haïti, un dixième département leur a même été attribué, en plus des neuf que compte le pays. Ces réfugiés sont surnommés « les Haïtiens du Xe département ». À son retour d'exil, en 1994, le président Jean-Bertrand Aristide a décidé d'ouvrir un ministère à leur intention, tant leur influence lui a paru importante à l'étranger.

D'après le ministre des Haïtiens vivant à l'étranger, entre 300 000 et 350 000 Haïtiens de la diaspora viendraient, par an, en visite dans leur pays natal. Leur apport économique est également considérable : ils aident leurs familles à survivre. Leurs envois pécuniaires s'élèveraient à 1,5 milliard de dollars par an.

Émile Ollivier
Source :
www.litterature.org

Au Canada, la communauté haïtienne compte près de 88 000 membres. L'arrivée des Haïtiens au pays a coïncidé avec la mise en place de la dictature de François Duvalier. Elle a pris son essor au début des années 70, avec l'arrivée d'une très grande majorité d'immigrants diplômés : des médecins, professeurs d'université, enseignants, journalistes. Leur immigration a continué. En 2001, ils représentaient entre 10 et 15 % des 250 000 immigrés accueillis au Canada.

Pour des raisons religieuses et linguistiques, les réfugiés haïtiens sont en priorité installés au Québec — plus de 90 % d'entre eux. Ils constituent la cinquième communauté étrangère de Montréal, avec près de 80 000 personnes originaires d'Haïti ou issues de parents nés là-bas. Un grand nombre d'activités culturelles s'adressent en priorité à cette communauté, que ce soit le Mois de l'histoire des Noirs de Montréal ou le festival Vues d'Afrique, consacré au cinéma africain et créole de la métropole.

De nombreux Haïtiens devenus Québécois ont largement contribué, et contribuent encore, au rayonnement de la culture francophone. En littérature, par exemple, les écrivains Stanley Péan, Serge Legagneur, Joël Desrosiers, Dany Laferrière et Émile Ollivier (mort en 2002), sont des auteurs renommés dans le monde francophone.


Le 1er janvier 1804, les esclaves noirs insurgés d'Haïti proclamaient l'indépendance de la partie occidentale de l'île et instauraient la république. Ils mettaient ainsi un terme à l'ère coloniale, entamée dès l'arrivée de Christophe Colomb sur l'île, le 6 décembre 1492.

La « Perle des Antilles françaises »

L'explorateur envoyé par le royaume d'Espagne découvre l'île lors de son premier voyage, peu après avoir longé la côte nord de Cuba. Il décide de la nommer « la Petite Espagne », Hispañola. Elle est alors peuplée d'environ 100 000 autochtones, les Arawaks. Ils appellent leur île « Haïti ». Christophe Colomb y laisse une première colonie de 39 hommes, à Navidad. Celle-ci est attaquée par les Arawaks, qui souffrent déjà de la tyrannie des colons.

Une seconde colonie espagnole est ensuite implantée à Isabela, sous la houlette de religieux, principalement des dominicains. À leur initiative, l'île est rebaptisée Santo Domingo. Assoiffés de métaux précieux, les colons espagnols établissent leur domination sur les Arawaks et les assujettissent au travail forcé. En moins de 50 ans, la population autochtone est décimée par les mauvais traitements et les maladies. Les Arawaks sont bientôt remplacés par des esclaves noirs achetés en Afrique.

Les Espagnols laissent les Français s'installer dans la partie ouest de l'île. Ceux-ci fondent Port-au-Prince en 1649. En 1697, le traité de Ryswick (qui met fin à la guerre européenne de la ligue d'Augsbourg) entérine leur présence. Les Français renomment Saint-Domingue leur partie de l'île. Elle prospère grâce au commerce triangulaire et devient rapidement la « Perle des Antilles françaises ». La production de canne à sucre, de coton, puis de café, produits vendus à bon prix en Europe, repose sur le travail des esclaves qui arrivent d'Afrique, toujours plus nombreux. À la veille de la Révolution française, Saint-Domingue compte un demi-million d'esclaves noirs sous la férule impitoyable de 30 000 colons blancs, qui possèdent les deux tiers des terres. On compte environ 20 000 métis libres ou affranchis, souvent alphabétisés.

Le vent de la liberté

Les esclaves opprimés se révoltent régulièrement tout au long du XVIIIe siècle. Les nouvelles de la Révolution française les encouragent. Le 4 août 1791, une insurrection éclate, dirigée par un régisseur noir : Toussaint Louverture. Deux ans plus tard, l'esclavage est aboli. Devenu adjoint du gouverneur général, Toussaint Louverture conquiert la partie orientale de l'île, tombée aux mains des Britanniques. Il se proclame gouverneur général de l'île unifiée.

Toussaint Louverture

Mais en 1802, Napoléon Bonaparte décide de rétablir l'esclavage. Les troupes françaises reprennent possession de l'île et capturent par traîtrise Toussaint Louverture, qui meurt en France l'année d'après. Ses deux seconds, Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe, prennent alors la tête de l'insurrection. Ils triomphent de l'armée française dans la partie occidentale de l'île et proclament la première république noire du monde, le 1er janvier 1804. L'ancienne colonie retrouve son nom arawak : Haïti.

Une succession de dictatures et d'alliances ruineuses

Moins d'un an après sa naissance, la république est abolie par ses fondateurs : ils se proclament empereurs, l'un après l'autre. Pendant le XIXe siècle, les dictatures se succèdent et mettent régulièrement fin à des périodes de rétablissement de la république. Le siècle est émaillé de coups d'État militaires, de révoltes rurales et de soulèvements populaires.

L'oligarchie métisse remplace rapidement les colons aux commandes du pays. Les tensions qui l'opposent aux populations pauvres augmentent. Les travailleurs agricoles s'appauvrissent.

Pour consolider leur pouvoir face aux masses en quête de liberté, les dirigeants, pour la plupart issus de l'oligarchie ou contrôlés par elle, font appel au soutien des puissances étrangères, le plus souvent au détriment du pays. En 1825, le président Jean-Pierre Boyer obtient ainsi la reconnaissance d'Haïti par la France, mais en contrepartie, il s'engage à payer d'énormes indemnités aux planteurs français dépossédés. Pour ce faire, Haïti doit emprunter à la France à des taux faramineux, ce qui grève l'économie pendant près d'un siècle. L'accord prévoit également de réduire de moitié les tarifs douaniers des produits destinés à la France.
Empereur à partir de 1849, Faustin 1er accorde également des avantages économiques et commerciaux, défavorables pour Haïti, à la France, à l'Espagne et aux États-Unis.

La mainmise américaine

Ces pays vont d'ailleurs profiter d'une nouvelle crise politique pour établir un protectorat de fait sur Haïti. En 1915, Jean Vilbrun Guillaume est le sixième président à être assassiné en quatre ans.

Le président américain Woodrow Wilson décide alors d'intervenir militairement. Le 28 juillet, les Marines américains débarquent et répriment violemment la révolte des insurgés, surnommés « cacos ». Malgré la présence de présidents haïtiens, de hauts militaires américains dirigent le pays. Une nouvelle constitution est proclamée. Elle autorise la possession de terres par les étrangers. La paysannerie haïtienne associe la présence américaine à une multiplication des expropriations et une intense déforestation. Haïti souscrit, en 1922, un emprunt d'État auprès de banques américaines qui entrave davantage l'économie du pays. À cette date, le pays traîne déjà une dette de 60 millions de dollars. Les troupes américaines quittent Haïti en 1934, mais l'influence des États-Unis reste très forte.

Jusqu'en 1957, coups d'États et émeutes se succèdent. En 1956, le colonel Magloire, porté au pouvoir après des élections truquées, est obligé de démissionner devant un soulèvement populaire lancé par les étudiants de Port-au-Prince. Après neuf mois de troubles, Haïti entre alors dans l'ère des Duvalier, père puis fils.

De nouvelles élections le 22 septembre 1957 portent au pouvoir François Duvalier, ancien médecin de l'hôpital de Port-au-Prince et dirigeant d'une importante secte vaudoue. Surnommé « Papa Doc », il met rapidement en place une implacable dictature, qui va plus loin que celle de ses prédécesseurs.

La mise en place de la dictature de « Papa Doc »

Se plaçant comme « le chef des Noirs », il exalte la négritude, ou le « noirisme haïtien », selon ses propres mots. Il persécute non seulement les Métis, mais aussi l'Église, les intellectuels ainsi que ses opposants politiques.

François Duvalier

Pour asseoir son pouvoir, il met en place la milice des Volontaires de la sécurité nationale, qui comprend 40 000 « tontons macoutes » (« bonhomme bâton », en créole), et qui ont carte blanche pour faire régner la terreur et traquer les ennemis du régime. Brimades et exécutions se multiplient, poussant à l'exil de nombreux Haïtiens. Ce corps des tontons macoutes permet à François Duvalier de disposer d'un contrepoids énorme face à l'armée, qui compte plusieurs de ses opposants et qui est à l'origine de nombreux coups d'État perpétrés dans le passé. « Papa Doc » réduit considérablement les pouvoirs de l'armée, après l'avoir littéralement purgée. Réélu à l'issue d'élections fantoches, il proclame, le 22 juin 1964, une nouvelle constitution qui fait de lui un président à vie.

Quelques aspects du régime

Fidèle au culte vaudou, François Duvalier en fait une religion nationale. Il organise des célébrations publiques gigantesques. Il met en place un culte de la personnalité qui le place comme l'élu des « loas », esprits vaudous, et fait de lui un homme-dieu.

Voici un exemple de texte que les élèves haïtiens devaient réciter chaque jour (tiré de Le dossier Haïti : un pays en péril, de Catherine Eve di Chiara, Paris, Tallandier, 1988) : « Notre Doc qui êtes au Palais national pour la vie, que votre nom soit béni par les générations présentes et futures, que votre volonté soit faite à Port-au-Prince et en province. Donnez-nous aujourd'hui notre nouvel Haïti, ne pardonnez jamais les offenses des apatrides qui bavent chaque jour sur notre pays ».

On attribue à « Papa Doc » d'importants détournements de fonds. On estime que près de la moitié du budget annuel du pays, qui s'élevait alors à 42 millions de dollars, a été affectée au dictateur et à ses proches.

En janvier 1971, François Duvalier est victime d'un second infarctus. Soucieux de sa succession — rendue difficile par la fuite et les complots de plusieurs membres de sa famille — il décide de faire de son fils Jean-Claude son héritier politique. Sa décision est entérinée par un simulacre de référendum, dans lequel 2 391 916 Haïtiens acceptent, à l'unanimité, que « Baby Doc » succède à son père. Ce qui est fait quelques mois plus tard, lorsque François Duvalier meurt.

« Baby Doc », son successeur

Jean-Claude Duvalier

Âgé de 19 ans en 1971, « Baby Doc » est entouré de la vieille garde duvaliériste de son père. Il tente par des avantages fiscaux alléchants de relancer les investissements étrangers sur l'île, pressé par la pauvreté de la population. Une initiative que le très bas salaire minimal instauré, soit 2,4 $ par jour pour neuf heures de travail, encourage. Mais si la production de sous-traitance augmente nettement, le sort de la population ne s'améliore pas. À la désastreuse situation économique d'Haïti s'ajoute une période de famine, en 1977. La fuite des Haïtiens s'accentue, le plus souvent par la mer sur des embarcations de fortune. C'est à ce moment-là que l'aide humanitaire internationale arrive en Haïti.

Au début des années 80, le mécontentement de la population envers la corruption du régime et les injustices sociales se fait de plus en plus palpable. L'Église catholique commence à encadrer les mouvements de protestation. En 1984, pour la première fois, des émeutes éclatent. Elles se multiplient. Finalement, le 7 février 1986, Jean-Claude Duvalier s'enfuit pour la France.


Le soubresaut démocratique


Après la fuite de Jean-Claude Duvalier, les partis politiques, les journaux et les stations de radio se multiplient. Un Conseil national de gouvernement duvaliériste assure la transition.

Aristide, l'élu du peuple

Les premières élections sont marquées par la violence, et moins de 10 % des inscrits se rendent aux urnes. La nouvelle constitution de mars 1987 est en revanche plébiscitée par les électeurs. Elle prévoit un régime mixte, mi-parlementaire, mi-présidentiel. Jusqu'en 1990, aucun président n'est régulièrement élu.

En 1990, des élections démocratiques se déroulent enfin. Candidat de la dernière heure, le charismatique père Jean-Bertrand Aristide est élu président de la République avec 67 % des voix. Porte-étendard des populations pauvres des bidonvilles, il incarne leurs espoirs de démocratie. Ses idées de gauche font cependant peur à l'oligarchie métisse qui détient toujours les commandes de l'économie du pays. Il est destitué moins d'un an après son élection par une junte militaire.
Les États-Unis, qui accueillent le président déchu, entament un blocus économique d'Haïti, tout comme l'Organisation des États américains (OEA). En 1994, avec l'accord de l'ONU, ils rétablissent le président Aristide dans ses fonctions par la force.

L'impasse politique

Le président décide de dissoudre l'armée, constamment impliquée dans les coups de force. Il la remplace par la Police nationale d'Haïti, qui dépend du ministère de la Justice et dont les membres seront formés par des instructeurs étrangers. Mais dès le départ, un fort contingent de militaires rejoint les rangs des nouveaux policiers.

La situation politique du pays se détériore très vite. En décembre 1995, un proche du président, René Préval, est élu à la présidence de la République. Rapidement, des luttes de pouvoir éclatent au sein de la majorité. Les partisans de Jean-Bertrand Aristide, qui a formé le Fanmi Lavalas, s'opposent désormais à ceux de René Préval, qui ont créé l'Organisation du Parti Lavallas, qui deviendra l'Organisation du peuple en lutte. L'ancien chef d'État s'oppose aux réformes prônées par le président Préval. Dès 1997, le gouvernement est en crise : le pays se retrouve sans premier ministre, faute de l'aval du Parlement. Le résultat des élections sénatoriales partielles d'avril 1997, auxquelles ont participé moins de 10 % des électeurs, est contesté par les perdants, partisans du président Préval. Dans ces conditions, les élections parlementaires, prévues en 1999, sont constamment ajournées. Le pays se retrouve sans Parlement.

En 1997, le gouvernement Préval, à l'instigation des pays industrialisés, décide de stimuler l'économie en privatisant les grands monopoles d'État. Il vend deux grandes entreprises publiques de ciment et de farine. Une opération dont bénéficie avant tout l'oligarchie métisse, qui s'assure ainsi le contrôle direct de l'économie du pays, sans avoir à contrôler le gouvernement. Les multinationales étrangères se portent également acquéreurs. Ces réformes n'améliorent pas la situation sociale et économique du pays.

La tentation dictatoriale

Finalement, en mai 2000, les élections législatives ont lieu. Elles connaissent la victoire du Fanmi Lavalas, victoire aussitôt contestée à cause des irrégularités constatées à Port-au-Prince. Quelques mois plus tard, le père Aristide est réélu président de la République, à l'issue d'élections boycottées par l'opposition. Pendant ces deux élections, de nombreux assassinats politiques ont été perpétrés, notamment à l'encontre des journalistes et des opposants politiques.

Le président Aristide met en place une politique de tolérance zéro pour lutter contre la criminalité en hausse. Mais en réalité, les opposants politiques font les frais de l'action de la police, qui détient en plus des pouvoirs judiciaires accrus. En toute impunité. Dans son rapport annuel 2002, Amnistie internationale indique : « À la suite de l'investiture du président Jean-Bertrand Aristide, les allégations quant à la politisation accrue de la police et du système judiciaire se sont multipliées. L'annonce par le président Aristide de la mise en place d'une politique de "zéro tolérance" en matière de criminalité a été suivie d'une augmentation des homicides commis par la police dans des circonstances controversées, des meurtres de criminels ou de délinquants présumés au nom de la "justice populaire", et des attaques commises par des partisans de plus en plus intolérants du parti au pouvoir, Fanmi Lavalas, contre des opposants supposés, notamment des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes. »

Les anciens militaires et tontons macoutes reprennent du service dans un nouvel uniforme, et Haïti retrouve le chemin de la dictature.

 
 
 

L'économie haïtienne est à bout de souffle, elle est l'une des plus faibles du monde. Elle accuse un net recul : en 2001, elle avait baissé de 1,7 % par rapport à l'année précédente. L'économie souffre de l'absence d'investissements étrangers et de l'arrêt de l'aide internationale au développement, décidé au cours des années 90 par la France et les États-Unis, qui réprouvent le fonctionnement non démocratique des institutions. La détérioration des infrastructures, comme les routes, complique la circulation de la population et des marchandises.

Photo : Mélanie De Bellefeuille

Malgré sa situation géographique et son climat, les difficultés politiques et économiques du pays empêchent le développement du tourisme, si florissant dans la République dominicaine voisine. Les usines extraterritoriales fournissent à Haïti 90 % de ses exportations officielles, suivies de la production de café et de cacao, dont les cours se sont effondrés ces dernières années.

L'agriculture : l'activité substantielle en péril

Photo : Mélanie De Bellefeuille

L'agriculture reste l'activité économique et sociale essentielle du pays : elle occupe 60 % de la population active et assure 35 % du PNB. De petites exploitations aux rendements très faibles fournissent les produits d'agriculture vivrière qui nourrissent les Haïtiens : maïs, sorgho, haricots, tubercules. Mais cette production ne couvre que 70 % des besoins alimentaires du pays. La balance agricole est négative. Le PIB agricole croit de moins de 1 % par an, alors que la population augmente annuellement de 2,08 %.

Photo : Mélanie De Bellefeuille

Exemple de défrichement

De moins en moins de ressources alimentaires sont disponibles pour la population. Un tiers de la terre du pays est cultivée. Mais la terre est de moins en moins fertile, à cause de l'érosion provoquée par le défrichement, qui s'est intensifié dans les dernières décennies. La terre, lessivée par les pluies, est de plus en plus sujette aux glissements de terrain.
Les cultures spéculatives comme celles du café, du coton ou du sisal, appartiennent principalement à de grandes sociétés étrangères — qui possèdent les grandes exploitations modernes — ou à une oligarchie locale.

Le manque d'autres secteurs d'activité

L'industrie haïtienne est presque inexistante. Elle se limite aux domaines du textile, de l'alimentation et de la construction, avec le ciment. Le pays n'a pratiquement plus de minerais. Par exemple, la mine de bauxite de Reynolds a été fermée par le groupe multinational, faute de rentabilité.

Derrière cette économie de façade se déroule un énorme trafic de drogue, dont Haïti est devenu une plaque tournante. L'île n'en produit pas et n'en consomme pas, mais d'après l'American Drug Enforcement Administration, un sixième de la cocaïne colombienne entrant aux États-Unis arrive d'Haïti, le plus souvent par la Floride.

Conséquence directe d'une économie en faillite, le chômage est une donnée très importante en Haïti. Il touche plus de la moitié de la population. Les envois pécuniaires de la diaspora haïtienne représentent environ 1,5 milliard de dollars, soit trois fois le budget de l'État. Ils contribuent pour une grande part à l'économie de survie du pays.


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commentaires
D
Salut alain, Etant allé plusieurs fois en République Dominicaine, je connais un peu les probléme de l'Ile d'Ispanola, et en particulier d'Haiti puisqu'en je connais quelques haitiens.Ce pays est dans une situation critique, il a besoin d'aide et il est bien temps que l'on s'en rend contre. Comme d'habitude la communauté internationale ne fait rien ou presque. En général je suis contre l'interventionisme, mais là ...Merci néanmoins d'évoquer si sensible et extrémement important pour la sécurité de cette région qu'est les caraibes qui n'est pas aussi paridisiaque qu'elle n'y parrait. Amitiés et reconnaissance.Damien Peiffer
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