L&L est un blog "libéral "de réflexions afin de débattre de tous thèmes.Ni socialistes,ni conservateurs,les libéraux expriment une troisième dimension de la vie politique.Il est temps qu'elle ait sa voix en France,sans caricature ni compromission.Nous voulons une socièté de libertés,une démocratie véritable.
Le style, c’est l’homme. Le style décomplexé de Sarkozy est opposé à celui de Chirac, tout en raideur. Ce dernier, malgré son tempérament de hussard, a toujours pêché par révérence
aux valeurs de gauche, absence de faconde, esprit technocratique, et nervosité face aux caméras. Par certaines attitudes pontifiantes et empesées reflétant la fatuité technocratique, le style
chiraquien s’apparente à celui de Giscard. Mitterrand fut une parenthèse, avec ces façons littéraires à la Léon Blum qui avaient fleuri sous la IIIe République. Pompidou incarnait le modernisme des
Trente Glorieuses. Avant, De Gaulle se drapait dans une majesté louis-quatorzienne, tout en empruntant à la vie militaire des verdeurs de langage.
Sarkozy, c’est le style mousquetaire,
vif, batailleur, flamboyant, allant droit au but. Il bondit, gesticule, se carre, avance le menton : d’Artagnan dans la mêlée. Il est courageux. Le 13 mai 1993, lors de la prise d’otages des
enfants de l’École maternelle « Commandant Charcot » de Neuilly, Sarkozy, ministre du Budget et maire de la ville, négocia lui-même - avant l’intervention du RAID - avec Éric Schmitt, « Human
Bomb », le preneur d’otages armé d’explosifs, obtenant qu’il relâche progressivement des enfants. La télé le montra sortant de l’école avec l’un d’eux dans les bras.
Sarkozy marche au flair, comme De Gaulle, qui faisait grand cas d’Henri Bergson, le philosophe de l’intuition. La sienne, Sarkozy l’a suivie contre bien des avis cauteleux, en droitisant à fond sa
campagne, annonçant un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, et gardant ce cap entre les deux tours.
Cet être d’action et de mouvement a une vive imagination, qui le projette au-delà des limites convenues. Couplée à son tempérament de fonceur, elle a modelé son destin. À vingt ans,
il proclamait qu’il serait président de la République : délire juvénile, pensait-on. Son rêve, il en a fait une réalité. Cela augure bien de sa capacité à transformer la France.
Sarkozy n’a pas fait l’ENA. Il maîtrise nombre de questions techniques, en pragmatique qui s’y est frotté dans sa carrière d’élu et de ministre, non en technocrate dans sa tour d’ivoire.
Sarkozy est un politique. Il a lu les biographies des géants de l’Histoire, d’Alexandre et César à De Gaulle, scrutant les caractères, les attitudes, les stratégies. La vie des
grands hommes est son guide. Ce n’est pas un Rastignac briguant le pouvoir pour le pouvoir, contrairement à Chirac ou Mitterrand. Portant le regard très haut, il veut son buste dans la galerie des
Grands. Aussi compte-t-il changer le cours de l’Histoire.
Pure mégalomanie ? Afficher, à 20 ans, la certitude d’accéder à la magistrature suprême, c’était aussi de la mégalomanie. Celle-ci est un trait commun aux grands acteurs de
l’Histoire. Sarkozy ne s’est pas hissé à l’Élysée dans le seul but d’y être et de s’y maintenir. Il veut y faire ce qu’il n’a pas pu faire sous la férule des autres présidents de la République.
Claude Guéant, son directeur de campagne à poigne, est pressenti au poste de secrétaire général de l’Élysée, et le technocratique et fidèle François Fillon, à Matignon. Sarkozy conduira ce
gouvernement-commando de quinze ministres dans le blitzkrieg des réformes, face aux syndicats et à la rue. Il entend appliquer à la société française un électrochoc thatchérien ou reaganien. Il
est vrai que son action sera quelque peu entravée par l’importance des transferts de pouvoir de la France vers l’Union européenne effectués ces deux dernières décennies.
Une enfance traumatisée par la démission paternelle lui a donné un caractère bien trempé. Contrairement à ses camarades, qui poursuivaient leurs études en toute quiétude financière, il a dû
accompagner les siennes de petits boulots. Non formaté par l’ENA et nourri de lectures particulières, il a l’originalité d’esprit nécessaire à la gouvernance de crise. Et il a cette bonne étoile
sans laquelle il n’est pas de grand destin. Elle brilla quand, en juin 2005, après le départ de Raffarin, Chirac lui donna le ministère de l’Intérieur au lieu de Matignon, qu’il convoitait. Sur le
moment, il fut déçu. Mais la Place Beauvau, mise en vedette par l’insécurité croissante, fut un tremplin pour la présidentielle.
Et la fonction de Premier ministre lui eût fait endosser le bilan de Chirac, l’empêchant d’être le candidat de la rupture.
On ignore dans quelle mesure Sarkozy réussira. Mais son règne ne sera pas anodin. C’est un homme nouveau, héraut d’une droite qui ose s’affirmer. Il réanime la politique, dévitalisée par la
technocratie depuis près de quarante ans. En Occident, il annonce une série de dirigeants de ce style, qui seront mis en orbite par la montée des périls.
Sa garde rapprochée, de futur ministrable ?
Laurent Artur du Plessis
L’auteur, 54 ans, a collaboré au « Figaro Magazine » de 1978 à 1991. Depuis, il se passionne pour la géopolitique. Pour être selon lui inéluctables,les événements qu’il annonce, et qui
évidemment constitueraient un tournant majeur de la situation
internationale,auront un caractère de catastrophe…