mercredi 18 avril 2007
Changement de Régime par Edouard FILLIAS
Tout d'abord, un changement de régime passe parfois par un petit coup de plume : je vous invite à lire l'excellent et très bien construite texte de Michel Leter, qui reprend l'historique des libéraux pour mieux opposer notre tradition à celle des conservateurs ci-dessous.
Un changement de régime, une révolution, c'est toujours l'inventaire des crimes et délits du régime passé. Pour la Vème République, ce sera la corruption étendue qui atteint notre système et qui reste, la plupart du temps, impunie, voir tolérée. Songez à quelques noms glorieux, Chirac, Balkany, qui vivent bien leur statut d'homme politique tout en piochant, quand nécessaire, dans le magot du bien commun. La France est au fond des classements en la matière...
Nous sommes très heureux, à AL, de nous être réuni avec Charles de Courson, député UDF en pointe sur ces questions, et Séverine Tessier, présidente d'ANTICOR, sur un appel à une opération "Mains propre", que vous pouvez désormais signer ici. Voilà le texte de l'appel. La vidéo de la réunion que nous avons tenue est ici. Relayée hier sur RTL, par le Nouvel économiste, l'AFP, etc...
Cet appel est tout sauf de guimauve : il prévoit des changements radicaux dans les pratiques politiques et le système de gouvernement. Voilà, concrètement, à quoi peut ressembler une refondation démocratique, qui ne serait pas inspirée par un seul des deux grands camps politique, conservateur et socialiste, mais par toutes les femmes et hommes de bonne volonté.
Nous n'hésiterons pas à faire de cet appel un outil pour agir sur le prochain élu et exiger de lui des solutions. En attendant, nos candidats sont prêts à endosser ce combat pour une République propre. Notamment Ferial Furon, à Levallois, qui fait un travail remarquable. Mais je pense aussi à la Réunion, territoire abandonné, aux élus ultra-corrompus, et à nos candidats Serge et Jacky, à la Gironde, à Nice, etc.
Par Édouard Fillias - Sur l'actualité
M. Sarkozy passe pour libéral. On somme donc bruyamment les libéraux de voter pour le candidat de l'UMP.
Mais M. Sarkozy qui, lorsqu'il se pique de philosophie, ne trouve pas mieux d'avancer, contre l'empirisme des lumières, qu'on naît pédophile ou suicidaire, devrait au moins se ranger à un argument : on ne naît pas libéral : il en est la preuve !
La philosophie libérale française, depuis Condorcet, met en avant l'éducabilité et la perfectibilité, ce qui suppose la patience et l'amour, autant de vertus que le néo-bonapartisme pratiqué par M. Sarkozy s'entête à ruiner. Les démocraties libérales sont les fruits d'un long apprentissage, non d'une fatalité.
M. Sarkozy passe pour atlantiste, exhibant pour tout brevet la photographie retouchée d'une poignée de main avec le Président des Etats-Unis. Fasciné par la seule hyper-puissance de l'Amérique, M. Sarkozy a-t-il pris le temps de se recueillir devant la statue de la liberté ? S'est-il souvenu que ce sont les libéraux français qui ont offert la liberté à l'Amérique : La Fayette d'abord et ensuite Edouard Laboulaye qui lança la souscription de la fameuse statue réalisée par Auguste Bartholdi. On imagine mal aujourd'hui les rentiers de la politique et les artistes français subventionnés susciter un tel élan de bienfaisance à l'égard de "la grande république" américaine.
Cette tradition libérale française plonge ses racines dans la Révolution légale de 1789 fondée sur les principes d'abolition des privilèges et d'égalité devant la loi. C'est elle qui garantit la seule souveraineté réelle, celle de l'individu. C'est elle qui incarne la nation, union politique des spoliés contre les spoliateurs. M.Sarkozy, en proposant son ministère de l'identité nationale et de l'immigration montre qu'il est prêt à sacrifier les principes fondateurs de la nation au profit des contingences électorales de l'heure. La France d'après est amnésique.
La liberté, au pays de Montesquieu, est garantie par la séparation des pouvoirs. Or que fait Monsieur Sarkozy dès son arrivée place Beauvau? Il empiète en permanence sur le territoire de son pauvre collègue Pascal Clément, tonne contre les décisions des magistrats, annonce des châtiments terribles. Que fait-il lorsqu'il revient place Beauvau ? Il affirme avec son cynisme candide et fébrile habituel qu'il revient s'occuper de ses affaires personnelles, se défendre comme numéro 2 contre les coups tordus du numéro 1. Et de se faire aussitôt remettre son propre dossier... Vive la liberté d'utiliser l'Etat à sa guise...
La liberté, au pays de Voltaire, c'est veiller à la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Tout le monde le pensait jusqu'à...Monsieur Sarkozy. Pour l’ami de Doc gynéco et Bernard Tapie, entre deux ouvrages écrits avec un membre de l'épiscopat sur la transcendance, il n’y a rien de plus urgent que de financer, via le contribuable, les mosquées dans les quartiers difficiles, là où lui même ne parvient pas à représenter ni l'Etat, ni même l’UMP.
La liberté, au pays de Diderot et Hugo, c'est bien évidemment la liberté d'expression, ce qui implique à la fois une vraie diversité dans le domaine culturel (le livre, la presse, l'image) et la plus grande indépendance possible entre les productions de l’esprit, les puissances de l'argent et le gouvernement du pays : là aussi, séparation des pouvoirs ! C'est une évidence ? Plus depuis Monsieur Sarkozy. Comme l'a dénoncé le premier Francois Bayrou, ce sont ses amis et non de vagues relations qui dirigent des empires de presse, des chaînes de télévision et pas les plus confidentielles, tout en ayant la haute main sur des pans gigantesques de l'industrie... Le moins que l'on puisse dire c'est que les lecteurs et spectateurs payent tous les jours pour le voir !
D'ores et déjà la complaisance de ces quasi monopoles a de quoi faire sourire, au pays de Zola, ceux quelle ne fait pas encore frémir. Les doigts du premier flic de France claquent et les reportages se succèdent sur le bonheur conjugal, les doigts du grand argentier claquent et les têtes tombent de ceux qui ont cru, les naïfs, pouvoir aussi traiter des infortunes ... Et Monsieur Sarkozy n'était que numéro 2, pas encore tout là-haut ! Quand on se représente mentalement, sur les affiches de l'UMP, à côté du visage de Monsieur Sarkozy ceux des grands patrons-grands amis, tout à coup le slogan jusqu'alors le plus plat de la campagne retrouve son relief : ensemble, tout devient possible !...
Lorsque l'esprit de la police devient la police de l’esprit ; lorsque la servilité devant les puissances se conjugue avec la hargne contre les récalcitrants (n’est-ce pas Azouz Begag ?, n'est ce pas Lilian Thuram ?) et les ricanements démagogiques devant le savoir (a quoi sert la Princesse de Clèves ?), on voit bien que la France qui excite l'énergie de Monsieur Sarkozy n’est certes pas la France des lumières.
Cette invraisemblable fin de campagne le confirme avec un éclat sinistre faut-il bien peu aimer la liberté pour souffleter Simone Veil avec un ministère de l'identité nationale, faut-il bien peu aimer la liberté pour estimer que les pédophiles le sont déjà dans le ventre de leur mère, les délinquants à la crèche, sans compter les adolescents suicidaires qui rêvaient d'en finir dès le temps des premiers biberons...
La France ne possède qu'une réplique de la statue de la liberté mais cela ne signifie pas qu'elle soit éternellement condamnée à être privée des libertés individuelles, civiles, sociales et politique dont jouissent les Américains et les autres peuples de l'Union européenne. La France mérite une nouvelle donne politique, pour une égale représentation, une justice indépendante, un débat démocratique ouvert. Les réformes économiques attendues seront la conséquence de cette décrispation : sans elle, le dialogue social restera stérile.
Etre libéral, est-ce soutenir l’homme qui emprunte pour sa campagne les mots du dernier commissaire au plan, qui bâillonne les libéraux de son entourage, qui propose chaque jour de nouvelles sécurités et si peu d’horizon ? La France n'a pas besoin d'un nouveau Bonaparte, encore moins de sa caricature mais d'une Révolution légale.
La France a besoin de l'alliance des partis démocrates et libéraux qui ont ouvert la voie de la nouvelle Europe. « Le premier devoir d'un citoyen c'est de demander la liberté lorsqu'il ne l'a pas. Son second devoir c'est d'en user quand il l'a », disait Edouard Laboulaye après avoir offert la fameuse statue à l'Amérique. Puisque nous disposons encore de la liberté de vote, choisissons François Bayrou : la voix de la France contre celle de son maître.