Puisqu’il existe un mystère BAYROU, essayons de le percer. Il y a peut-être un fossé entre la façon dont le voient des milliers d’électeurs et le véritable visage du « troisième homme ».
Pour nous éclairer on peut se référer à l’interview accordée récemment à l’Express.Son titre est assez sympathique : « Je ne suis pas dépensier ». Et d’ajouter « Je refuse les promesses démagogiques ». Ou encore « Il faut dire la vérité, par exemple sur la dette et le déficit ». C’est un bon point, il est un des rares à parler avec insistance du gouffre de la dette publique.
Sur le même thème : « Quand j’annoncerai des dépenses, ces dépenses seront maitrisées et des économies seront faites en contrepartie ». Sur l’Etat, il a une formule intéressante, mais à double tranchant: « Aujourd’hui, l’Etat est totalement absent de la France qui va mal. Mais il est hyperprésent dans la France qui va bien. Je propose d’inverser ce processus ». Il a raison sur le deuxième constat (« l’Etat hyperprésent »), mais tort sur le premier et sur la conclusion qu’il en tire : si l’Etat s’implique encore plus dans la France qui va mal, elle ira encore plus mal, car l’Etat n’est pas la solution, mais le problème.
Cela dit, on attend beaucoup François Bayrou sur les problèmes de l’Education Nationale, dont il a été un ministre très contestable. A-t-il changé aujourd’hui ? « J’ai travaillé comme ministre de l’Education avec bien des responsables, enseignants ou parents d’élèves, qui n’étaient pas politiquement de mon bord. Et ce fut une époque heureuse pour l’éducation nationale. Encore aujourd’hui, presque quinze ans après, je revendique le respect des partenaires sociaux, la volonté de ne jamais les humilier, la capacité de faire partager l’inspiration des réformes. Et il y en eut ! ». En fait, son ministère avait été plutôt celui de l’immobilisme, mise à part la réforme des études et examens universitaires, où en effet le ministre avait tranché en faveur des « partenaires sociaux », en l’occurrence l’UNEF, ce qui nous vaut aujourd’hui un désordre et une démagogie jamais égalée dans l’enseignement supérieur.
La sympathie de François Bayrou pour les syndicats de gauche, conservateurs et corporatistes se retrouve quand il aborde le chapitre social. Certes, il a le mérite de rappeler quelques évidences « Je ne veux pas de la société des castes et des diplômes acquis avant d’avoir vingt ans et qui vous protègent pour toute la vie ». « Le chômage ne doit pas être une inactivité. Il ne doit pas y avoir de minimum social sans forte incitation à une contrepartie d’engagement au service de la société ». Mais l’obsession des corporations revient vite : « J’organiserai la démocratie sociale en obligeant à la négociation des partenaires sociaux avant le vote de la loi et en réhabilitant le Conseil Economique et Social. L’Etat ne sera ainsi plus le seul décideur : il aurait face à lui une société civile légitime ». D’accord sans doute pour la société civile, mais elle ne s’exprime sûrement pas à travers des syndicats et des institutions officielles. La société civile n’est pas le CES, de même que les salariés ne se résument pas aux syndicats ni les familles à l’UNAF. Une grande partie de ces « partenaires sociaux » ne sont pas là pour négocier, mais pour faire de la politique, ce qui est différent.
Sur l’emploi : « Que toute entreprise puisse créer deux emplois sans charges sociales (sauf 10% au titre de la retraite ». Pourquoi deux emplois ? Pourquoi penser à des exemptions de charges, alors que c’est la suppression pure et simple des charges qui rend compétitivité aux entreprises et pouvoir d’achat aux salariés – ce qui suppose la fin du monopole de la Sécurité Sociale et le libre choix de sa couverture sociale à partir d’un salaire « complet » ?
Enfin, sur les impôts : « Je ne crois pas que l’on puisse augmenter les impôts dans un pays qui est déjà le recordman du monde des prélèvements obligatoires » Très bien. Mais pourquoi ajouter : « Je ne crois pas non plus qu’on puisse les baisser massivement avec le déficit qui est le nôtre». M.BAYROU ignore sans doute que la baisse des impôts crée une dynamique économique propre à résorber déficits et dette.
Pour conclure sur ce pâté d’un cheval une alouette : « L’économie, ce n’est pas de la mécanique, c’est de la dynamique : quand ça se met à marcher, ça marche encore plus vite qu’on ne l’espérait ». Si ce n’est pas une mécanique, il ne faut donc pas que les hommes politiques jouent au mécano. Mais François BAYROU demeure toujours un bricoleur étatiste, en bon centriste qu’il est.