Par michel GODET
professeur Michel Godet, spécialiste en prospective au laboratoire LIPSOR du CNAM.
Le président s'y est engagé : il ne remplacera qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C'est bien une rupture, puisque jusqu'à présent le nombre de fonctionnaires n'a cessé d'augmenter : 1 million de plus en vingt ans ! Cette promesse, qui ne concerne que la fonction publique nationale, soit la moitié des 5 millions de fonctionnaires, est-elle justifiée et réalisable autrement qu'en trompe-l'oeil ? On ferait baisser les effectifs de la fonction publique nationale de quelques dizaines de milliers en laissant filer ceux des fonctions publiques territoriales dans des proportions deux à trois fois plus importantes ? Sans oublier qu'il faudra certainement continuer à augmenter de 20 000 personnes par an les effectifs de la fonction publique hospitalière en raison du vieillissement.
Avec plus d'un fonctionnaire pour cinq actifs, la France détient un record parmi les pays développés, et compte pratiquement 50 % de plus d'enseignants, de policiers ou d'agents du fisc par habitant que la Grande-Bretagne !
On peut s'interroger sur le bien-fondé de ces recrutements publics massifs qui engagent la collectivité pour des décennies. Une grande partie des services publics peuvent être rendus par des entreprises privées sous contrat. On pourrait utilement s'inspirer des réformes des services publics réussies en Suède, aux Pays-Bas et en Italie en créant des agences de services publics effi caces. La réforme de la loi organique relative aux lois de finances va dans ce sens, mais à un pas de sénateur . Près du tiers des 2, 5 millions d'employés de la fonction publique d'Etat vont partir à la retraite entre 2005 et 2015, au rythme de 75 000 par an. N'en remplacer qu'un sur deux permettrait de gagner l'équivalent de 1 point de PIB, soit un tiers du défi cit public à l'horizon 2015.
Il y a urgence, car les retraites des fonctionnaires, qui représentent aujourd'hui 12 % des ayants droit mais déjà 31 % des pensions versées, vont exploser : les fonctionnaires vivent longtemps et perçoivent des pensions proches de leur dernier salaire net des cotisations sociales ( santé et retraites ), et plus élevées même dans certains cas en raison de la baisse des cotisations au moment du passage à la retraite. En ne remplaçant qu'un fonctionnaire sur deux, l'Etat baisserait ses effectifs d'environ 10 % d'ici à 2015. Un tel objectif n'est pas irréaliste. Mais il faudra assurer de larges redéploiements pour renforcer les moyens de la justice et réduire les sureffectifs dans l'Education nationale, où 32 000 professeurs n'enseigneraient pas, selon la Cour des comptes ! Il faudra également multiplier les possibilités de cumul emploi-retraite, puisque les pensions versées seront inévitablement moins généreuses dans le futur. Le bon sens devrait ouvrir une nouvelle voie : pourquoi ne pas garder plus longtemps, et ce même à temps partiel, les fonctionnaires en place puisqu'ils coûtent presque aussi cher à la retraite qu'en activité ?