Des exemples: Le solo débutant doit d'abord faire attention au timing ! « Je me suis inscrite à l'Urssaf beaucoup trop tôt car je n'ai signé mon premier contrat que neuf mois plus tard. J'avais tellement peur d'être dans l'illégalité ! » raconte Micheline Maximin, consultante en fidélisation de clientèle à Paris. Funeste erreur, car la date d'inscription au centre de formalités des entreprises (CFE) déclenche le calcul des charges sociales. Mieux vaut donc prospecter d'abord et procéder aux formalités administratives la veille de la facturation. D'autant qu'aujourd'hui le travailleur indépendant est inscrit le jour même de ses démarches et que le futur gérant de SARL n'attend guère plus de dix jours pour obtenir son extrait de K bis .
« Au CFE de Créteil, on m'a même demandé si j'avais déjà des clients, raconte Pierre Mazenq, entraîneur sportif au Racing Club de France et coach. J'ai eu le réflexe de répondre que oui, sinon, on ne m'aurait pas inscrit ! » Explication : l'Urssaf, qui joue le rôle de CFE pour les professions libérales, fait la chasse aux vrais salariés déguisés en indépendants. Et cherche à s'assurer de l'existence d'un carnet de commandes. Aberrant, voire abusif, mais réel !
Reste que le créateur qui souhaite acheter un droit au bail n'a guère le choix, comme en témoigne Sophie Nenner, gérante de la société Vélo Electro, à Paris. « J'ai été obligée de créer ma société sans affectation de code APE et en établissant le siège à mon domicile car je devais immédiatement fournir un chèque au nom de ma société pour réserver un local où vendre et réparer des vélos. » Les salariés qui décident de se mettre à leur compte doivent annoncer leur départ à l'employeur ni trop tôt, ni trop tard. « Ayant deux clients sous le coude, j'ai créé ma société le 2 avril 2005 et j'ai été licenciée le 22 avril 2005. Il n'y a pas eu de temps mort », se réjouit Angélique Warain, créatrice de Comun' Ange.
Si les clients affluent avant même la création de l'entreprise, c'est plutôt bon signe. Mais ce succès commercial ne doit pas occulter les charges sociales et les impôts qui vont
lourdement grever les futurs revenus. Prenons l'exemple d'un consultant célibataire, sans charge de famille, qui démarre son activité. A investissement constant, plus ses recettes seront
élevées, moins il aura de charges. Avec 5 000 euros de chiffre d'affaires par mois, il lui restera 50 % de revenus nets. Avec 1 500 euros, seulement 42 %. Autant le savoir avant de
démarrer.
Si l'on décide de quitter un job rémunéré 3 500 euros par mois, on devra générer 82 440 euros de chiffre d'affaires brut par an, soit 687 euros hors taxes par jour, sur 120 jours travaillés,
pour conserver le même train de vie. En cas de marché tendu, on peut diminuer son prix de journée. Mais ce n'est pas toujours possible. « Je facture entre 550 et 600 euros la journée
d'interprétation. Ce sont les tarifs définis dans ma profession et il est mal vu d'aller en dessous », explique Robert de Loaiza, traducteur-interprète de conférence. Reste à mettre les
bouchées doubles. Rien n'empêche de facturer 250 jours par an. Mais attention au burn-out ! Surévaluer ses capacités se paie cher.
Comment calculer son tarif journalier ?
Quel tarif journalier pratiquer si l'on souhaite, par exemple, conserver un revenu net par mois de 3 500 euros ? Reprenons l'exemple de l'indépendant célibataire sans enfants évoqué en page précédente. Pour qu'il lui reste 42 000 euros nets de charges et d'impôts, il doit facturer 82 440 euros de chiffre d'affaires brut. En effet, quand il facture 100 euros à un client, il lui reste 51 euros de revenus nets. Pour fixer son tarif à la journée, la méthode est la suivante : il faut diviser ces 82 440 euros par le nombre de jours où il sera rémunéré, soit environ 120 jours dans l'année, compte tenu du temps nécessaire à la prospection commerciale et à la gestion.
Résultat : notre consultant doit facturer 687 euros HT par jour.
Chiffre d'affaires brut 82 440 euros
Charges sociales 20 553 euros
Autres charges 5 590 euros
Impôt + CSG-CRDS non déductibles 14 297 euros
Total charges + impôts = 40 439 euros
Reste : 42 000 euros
(3 500 euros x 12)
Notre solo a les mêmes frais que ceux pris en compte pour la simulation précédente (voir l'encadré « Que va-t--il vous rester après charges et impôts ? » page 44) . Il a adhéré à
une association de gestion agréée et bénéficie à ce titre de 20 % d'abattement pour l'impôt sur le revenu.
« Plutôt qu'exercer en nom propre, un consultant qui gagne bien sa vie peut créer une EURL avec une option à l'impôt sur les sociétés afin de limiter sa charge fiscale », conseille Laurence Piganneau, consultante à l'APCE et auteur de La Micro-Entreprise de A à Z (Editions d'Organisation). Reste le choix du régime fiscal. Si l'on est imposé aux BNC (bénéfices non commerciaux) en tant que profession libérale ou aux BIC (bénéfices industriels et commerciaux) en tant que commerçant ou artisan, le régime de la micro-entreprise est séduisant car il permet de ne pas tenir de comptabilité et offre un abattement forfaitaire. « Mais, si l'on achète du matériel ou un stock, le régime micro ne permet pas de récupérer la TVA.
L'option pour le régime réel permet de prendre en compte les charges réellement supportées et de bénéficier de l'abattement fiscal de 20 % si l'on adhère à un centre ou une association de gestion agréée. »
Le dispositif de la loi Madelin permet aux TNS (travailleurs non salariés) de déduire leurs cotisations à une caisse de retraite complémentaire, une mutuelle maladie, maternité ou à une assurance chômage du type GSC (garantie sociale des chefs d'entreprise) ou Appi (association pour la protection des patrons indépendants). Notons que, pour un revenu mensuel de 3 500 euros net, le statut de gérant minoritaire se révèle plus onéreux que celui d'un travailleur indépendant qui a pris des assurances complémentaires afin d'avoir une protection sociale similaire. Si les TNS peuvent couvrir l'interruption de leur activité par un contrat Madelin, le gérant minoritaire de SARL, lui, est souvent en butte à l'Assedic, qui ne reconnaît pas son contrat de travail, au moment où il se retrouve au chômage.
Cela ne l'a pas empêché d'accepter ses cotisations pendant de longues années ! Reste que, en cas d'échec, le créateur bénéficie d'une indemnisation de l'Assedic, dans les trois ans à compter de la fin de son contrat de travail. Mais le temps file vite...
Faute de revenus professionnels de référence, les cotisations du non- salarié sont calculées sur une assiette forfaitaire. Le montant global reste faible : de 1 800 à 5 000 euros les deux premières années, selon que l'on dépend du régime des commerçants, artisans ou professions libérales. Cela permet de vivre plus largement. Mais, la troisième année, une régularisation est faite par rapport à la rémunération effective. Si l'on n'a pas économisé, c'est le « coup du lapin » ! « Il est possible depuis l'ordonnance du 18 décembre 2003 de demander le calcul de ses cotisations provisionnelles sur la base du revenu que l'on estime pouvoir réaliser au cours de l'année, souligne Laurence Piganneau. Cela peut éviter les mauvaises surprises. Mais les créateurs qui ne sont pas soumis au régime de la micro-entreprise en font rarement la demande, car, si le revenu définitif est supérieur de plus du tiers au revenu estimé, une majoration de retard égale à 10 % de l'insuffisance des acomptes prévisionnels est due. »
Sophie Nenner a eu le tort de créer son entreprise trop tôt ! Depuis la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, la formation professionnelle continue des artisans est étendue aux créateurs et repreneurs d'entreprise. Reste à faire connaître cette mesure aux acteurs concernés, qui, bien souvent, pédalent dans la semoule. Autre bonne nouvelle : les frais du stage obligatoire de préparation à l'installation des artisans (environ 200 euros) devraient désormais être pris en charge par les FAF. Une formation à la comptabilité et un suivi post-création seraient par ailleurs imposés. Des mesures de choc, qui devraient éviter les mécontentements de bien des créateurs, comme Sabrina Gaillard, esthéticienne à domicile, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée). « J'ai dû faire un stage qui m'a mobilisée pendant cinq jours et je n'ai rien appris. Le seul intérêt : j'ai pu échanger des tuyaux avec d'autres stagiaires en matière de publicité. »
Parfois, ça grogne dur. En ce moment, certaines DDTEFP (directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle) gèlent les dossiers des futurs créateurs, car les fonds ne leur sont pas parvenus ! Pourtant, les candidats ont droit à l'Accre, à Eden (encouragement au développement d'entreprises nouvelles) ou aux chéquiers-conseil. Quant au prêt à la création d'entreprise (PCE), dont l'obtention est conditionnée à celle d'un prêt bancaire, et qui ne requiert ni garantie ni caution personnelle, il pâtit du peu d'enthousiasme des banquiers à le proposer. Ceux-ci considèrent que les démarches auprès d'Oseo BDPME sont trop lourdes. Restent les concours à la création d'entreprise. Beaucoup d'appelés, peu d'élus. « Il faut se renseigner sur le nombre de bénéficiaires car, bien souvent, les concours offrent un seul prix », avertit Laurence Piganneau, sans deuxième et troisième prix d'encouragement. Mieux vaut donc prospecter plutôt que transpirer sur son dossier de candidature.