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Sarkozy"gouverne à l'impulsion" par Michel Rocard dans le JDD

par Alain Genestine 7 Septembre 2008, 23:27 Politique

Rocard: "Sarkozy mène une politique buissonnante et incertaine"
Propos recueillis par Claude ASKOLOVITCH et Nicolas PRISSETTE
Le Journal du Dimanche >> Michel Rocard, inventeur en son temps du RMI (revenu minimum d'insertion), soutient Martin Hirsch et le RSA (revenu de solidarité active). Mais l'ancien Premier ministre de François Mitterrand dénonce le "mépris pour l'économie" et les "incohérences" de Nicolas Sarkozy en matière fiscale. Il s'en explique dans Le Journal du Dimanche.

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Une majorité de Français refuse de payer une taxe pour financer le RSA. C'est la marque d'une société égoïste?
Ça fait un moment que la valeur solidarité est en baisse. Et les Français se méfient d'un Etat jugé peu efficace: ils ont l'impression que la machine étatique ne les protège pas et sont peu enclins à la financer. Au Danemark, les impôts atteignent des niveaux record, mais les citoyens l'acceptent, parce qu'ils en voient la raison et les bénéfices! Enfin, le sentiment d'injustice n'arrange rien: la taxe RSA ne sera pas payée par les plus riches, puisqu'elle est incluse dans le bouclier fiscal...

Mais la gauche doit quand même voter le RSA?
Oui, même si la question du financement n'est pas négligeable. Le RSA est une bonne réforme. Elle est la suite du RMI, telle que je l'aurais souhaité. Evidemment, le PS doit être avec Martin Hirsch; mais je redoute chez mes amis la tentation de l'opposition systématique. Le poids des courants les plus marxistes, les plus régressifs, reste un problème. Mais les choix du gouvernement renforcent nos régressions.

"Il faut réduire l'impôt sur la fortune"

Y avait-il une autre possibilité que cette taxe?
On ne peut pas creuser les déficits. Et on ne doit pas affaiblir la consommation. Notre situation budgétaire devient intenable, et François Fillon, un homme raisonnable et raisonnablement compétent, fait ce qu'il peut. Le gouvernement a créé une taxe parce qu'il n'a pas d'autre solution! Mais derrière ce choix, il y a la contradiction de Nicolas Sarkozy. Comment réformer un pays quand on n'a pas d'idée directrice ni de constance, et quand on n'a plus de marge de manoeuvre financière... certes, par la faute d'une crise globale, mais d'abord par ses propres erreurs? L'incohérence en matière fiscale - on taxe pour colmater après avoir baissé les impôts des Français les plus riches - ruine la crédibilité du gouvernement.

L'idée du paquet fiscal était quand même de valoriser l'investissement...
Entre l'idée et l'efficacité, il y a une marge! En soi, je ne suis pas hostile à l'idée d'un bouclier fiscal, à condition qu'il amène réellement la rente à l'industrie. De même, il faut réduire l'impôt sur la fortune, qui ne remplit pas son rôle. Je ne suis pas de ces socialistes qui poussent des cris dès qu'on allège l'imposition. La France ne peut pas surimposer ses classes aisées par rapport à ses voisins sans faire fuir beaucoup de gens. Mais les allégements doivent être dynamiques, servir l'économie, pas des intérêts particuliers ou idéologiques.

La politique économique, c'est du jardinage

Ce serait le moment de faire la réforme fiscale?
La réforme fiscale, tout le monde est pour en général. Dès qu'on devient précis, les groupes d'intérêts se rebiffent. La dernière grande réforme fiscale, c'est la TVA, en 1953! La dernière mesure un peu forte, la CSG, que j'ai instaurée il y a dix-sept ans! Depuis, rien. On ne peut faire bouger le système que pas à pas: la politique économique, c'est du jardinage. On doit réformer en douceur, et en sachant où l'on veut aller. Chez nous, toutes les réformes devraient être pensées pour renforcer notre industrie. On devrait - par exemple - renforcer les pôles de compétitivité, les rapprochements entre l'industrie et les centres de recherches. Ce sont des réformes qui porteraient leurs fruits à trois ans...

Nicolas Sarkozy en est capable?
Souhaitons-le! Pour l'instant, on en est loin. Nicolas Sarkozy mène une politique économique buissonnante et incertaine. Il n'a pas assez de connaissances économiques, il ne connaît pas l'industrie. Il n'a ni constance, ni patience. Il gouverne à l'impulsion, dans des rythmes médiatiques et pas économiques. Il a trop d'images dans la tête. Il est à la télévision, dans les annonces. C'était peut-être énergétique au début, c'est devenu paralysant et déstabilisant. Et cela amoindrit la crédibilité de ses réformes quand elles sont bonnes... Et il paie ses choix initiaux: en décidant de s'affranchir des normes européennes, en laissant filer les déficits, il a fait preuve d'une arrogance coupable. Nous en souffrons aujourd'hui.

C'est la répétition des erreurs de la gauche en 1981, à son arrivée au pouvoir?
Chez François Mitterrand, il y avait autant de cynisme, mais plus d'idéologie - par exemple quand il a offert à nos alliés communistes les nationalisations à 100%! Sarkozy partage avec Mitterrand une méconnaissance et un mépris tragique pour l'économie. Mitterrand a mis deux ans à admettre son erreur, en 1983, avant de se désintéresser de l'économie et de remettre les clés à Delors, Bérégovoy ou moi. Sarkozy a une chance: il est allé encore plus vite dans le mur! Ça lui donne l'occasion de se rattraper plus vite. Il devrait réunir, discrètement, même secrètement, des experts, des sages, pour commencer à réfléchir à une nouvelle donne à quatre ou cinq ans: notre urgence, aujourd'hui, c'est notre appareil de production. L'incohérence fiscale et la catastrophe budgétaire découlent de notre faiblesse industrielle.
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