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Les 20-25 ans ne croient plus au modéle social Français

par Christelle Craplet 23 Mars 2007, 18:55 Jeunesse


Une confiance élevée dans leur avenir professionnel qui cohabite avec un fort sentiment que le chômage sera une réalité individuelle inévitable


Les trois quarts des jeunes sont confiants dans leur avenir professionnel

Le niveau de confiance des jeunes dans leur avenir professionnel est élevé : plus des trois quarts d'entre eux (78%) se déclarent confiants, dont près du quart (22%) tout à fait confiants. Notons tout de même qu'ils sont mesurés puisque la majorité se dit " plutôt confiante " (56%) et 22% ne se disent pas confiants. On peut y voir le signe d'une angoisse présente au sein d'une fraction non négligeable de la jeune génération, notamment chez les filles (25% ne sont pas confiantes contre 18% des garçons) et les jeunes plus " âgés " (24% des 23-25 ans n'ont pas confiance contre 18% des 20-22 ans), peut-être plus inquiets au fur et à mesure que l'entrée dans le monde du travail se fait plus concrète.


Six jeunes sur dix pensent qu'ils connaîtront un jour une période chômage

Tout en étant très confiants vis-à-vis de leur avenir professionnel dans l'absolu, les jeunes anticipent dans une proportion importante une période de chômage au cours de leur carrière. Ainsi, 60% pensent qu'ils seront sans emploi à un moment donné de leur carrière. Parmi eux, 24% en sont même certains. Seuls 38% des jeunes estiment qu'ils ne connaîtront pas le chômage. Même les jeunes qui se montrent confiants dans leur avenir professionnel sont majoritairement persuadés (54%) qu'ils connaîtront une période de chômage au cours de leur carrière même si c'est dans une proportion nettement moins importante que les jeunes les plus pessimistes à l'égard de leur avenir professionnel (85% pensent connaître un jour le chômage). Seuls les jeunes dont le chef de famille est cadre estiment majoritairement (53%) qu'ils ne connaîtront pas le chômage au cours de leur carrière.

Les jeunes de 20 à 25 ans constituent donc une génération profondément marquée par le chômage, qui n'est pas seulement une donnée abrupte de l'économie mais leur apparaît comme une perspective personnelle totalement intégrée au sein de leur cursus professionnel.


Une image du monde de l'entreprise en demi-teinte...

68% des jeunes ont une bonne image du monde de l'entreprise, contre 31% qui en ont une mauvaise. Logiquement, les jeunes n'ont pas une image très marquée du monde de l'entreprise dans un sens ou dans l'autre dans la mesure où seuls 4% d'entre eux déclarent en avoir une " très bonne image " et 4% une " très mauvaise image ". Le fait est qu'ils sont encore à l'aube de leur carrière professionnelle et connaissent donc peu ou pas encore le monde de l'entreprise.

Néanmoins, cette bonne image générale doit être nuancée par un jugement nettement plus méfiant vis-à-vis des entreprises sur un certain nombre de points. Ainsi, ils sont une petite majorité à accorder leur confiance aux entreprises pour " permettre le plus possible aux salariés de concilier vie professionnelle et vie personnelle " (54%) et pour " assurer le mieux possible à leurs salariés une vie professionnelle épanouissante " (53%), jugeant sans doute que ces éléments sont essentiellement du ressort des salariés eux-mêmes. En revanche, une large majorité de jeunes ne fait pas confiance aux entreprises pour " sauvegarder le plus possible les emplois de leurs salariés " (62%) et " proposer autant que possible à leurs salariés des niveaux de rémunération correspondant à leur mérite " (62%). La défiance est donc particulièrement importance sur la question des salaires et de l'emploi.

Au final, près d'un jeune sur quatre (22%) ne fait confiance aux entreprises ni pour garantir son épanouissement personnel, ni pour préserver les emplois, ni pour garantir des salaires décents. A l'opposé, ils ne sont que 13% à faire confiance aux entreprises sur l'ensemble de ces sujets.

Les garçons sont un peu plus circonspects puisque 24% d'entre eux ne font pas confiance aux entreprises sur les quatre items contre 19% des filles. Notons également un clivage social sur la problématique de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, seuls les jeunes dont le chef de famille est cadre étant majoritairement méfiants à l'égard des entreprises sur ce thème.


Pragmatiques face à la mondialisation et à un système social défaillant, les jeunes cherchent des solutions individuelles


La mondialisation, entre crainte et pragmatisme

Dans un contexte de forte médiatisation sur le thème de la mondialisation, l'attitude de la jeune génération est loin de corroborer les propos souvent pessimistes ou négatifs qu'on peut entendre sur ce sujet. Certes, la mondialisation est davantage une source d'angoisse que d'espoir pour les jeunes mais ces derniers ne semblent pas aussi réticents que l'ensemble de la population à son égard. En effet, le mot " mondialisation " inspire de la crainte à près d'un jeune sur deux (48%) mais également de l'espoir à plus d'un jeune sur quatre (27%) et de l'indifférence à un autre quart d'entre eux (25%). Autrement dit, la majorité des jeunes (52%) associe au mot " mondialisation " un sentiment qui n'est pas négatif, contrairement à l'ensemble de la population puisque des enquêtes ont montré que depuis 2002, les Français dans leur ensemble associent majoritairement la mondialisation à quelque chose de négatif.

Le milieu social d'origine est un élément déterminant dans l'appréciation de la mondialisation, les enfants d'ouvriers étant logiquement plus inquiets que les enfants de cadres : 58% des jeunes dont le chef de famille est ouvrier ressentent de la crainte et 13% de l'espoir tandis que 45% des jeunes dont le chef de famille est cadre ressentent de la crainte et 33% de l'espoir.

Même si la mondialisation est quelque chose qui fait peur à une majorité relative de jeunes, ces derniers se montrent très partagés lorsqu'il s'agit d'évaluer les conséquences de la mondialisation sur la France : 49% des jeunes jugent que la mondialisation est plutôt un handicap pour la France et 45% estiment au contraire que c'est plutôt un atout. Le clivage est à nouveau social : ainsi une majorité de jeunes issus d'un milieu ouvrier jugent que c'est un handicap pour la France (61%) tandis qu'à l'inverse une majorité de jeunes issus d'un milieu cadre pensent que c'est plutôt un atout (54%).


Un comportement individualiste pour faire face au système social défaillant

Réalistes et pragmatiques sur leur avenir professionnel et la mondialisation, les jeunes réagissent de manière similaire face à la crise du modèle social français. Même si cette enquête n'a pas mesuré leur degré d'angoisse vis-à-vis de l'effritement de ce modèle, les jeunes donnent l'impression d'avoir déjà intégré cette crise et de chercher des solutions individuelles pour y faire face.

Ainsi, les jeunes sont partagés sur l'évolution du système d'indemnisation des chômeurs : 47% estiment que le système va devenir beaucoup moins protecteur en raison des problèmes de déficit public ; 46% pensent qu'il restera très proche de ce qu'il est aujourd'hui. Seuls 6% pensent qu'avec le progrès social le système sera plus protecteur. Les plus âgés sont un peu plus pessimistes puisque la majorité des jeunes âgés de 23 à 25 ans (51%) jugent que les chômeurs seront moins bien indemnisés que maintenant contre 44% des jeunes de 20 à 22 ans. Notons également que les jeunes qui anticipent une période de chômage et pourraient donc être directement concernés par le problème de l'indemnisation des chômeurs sont également légèrement plus pessimistes (50% pensent que le système sera moins protecteur). Dans tous les cas, force est de constater une forme de fatalisme au sein de cette génération qui ne croit plus du tout à l'idée de progrès du modèle social français et anticipe au pire son délitement, au mieux le maintien du statut quo.

En ce qui concerne leur retraite, les jeunes se montrent largement préoccupés : 63% d'entre eux déclarent que leur retraite est aujourd'hui pour eux une préoccupation importante dont près d'un sur cinq (18%) " très importante ". Cette inquiétude est telle que 71% de ceux pour qui c'est une préoccupation importante jugent nécessaire d'épargner dès maintenant pour s'assurer un niveau de retraite suffisant. C'est dire leur pessimisme sur le maintien du système actuel, qui ne leur apparaît plus comme suffisamment viable pour leur permettre de ne pas épargner : seuls 2% jugent que ce n'est pas nécessaire. Cette préoccupation est d'autant plus présente que le milieu social d'origine est populaire. Ainsi, 56% des jeunes dont le chef de famille est cadre se disent préoccupés par leur retraite aujourd'hui contre 71% des jeunes dont le chef de famille est ouvrier, et la constitution d'une épargne dès maintenant est jugée d'autant plus nécessaire que l'on est issu d'un milieu ouvrier que cadre.

Dans ces conditions il n'est pas étonnant que la majorité des interviewés pense que pour assurer un niveau équivalent face à la crise actuelle du modèle français de protection sociale il vaut mieux privilégier le financement par chacun de sa propre protection sociale (56%). Ils sont 37% à estimer qu'il vaut mieux augmenter les prélèvements collectifs. Les jeunes semblent avoir le sentiment que le système actuel ne pourra pas perdurer - du moins en l'état - même en augmentant les prélèvements collectifs, compte tenu du poids des déficits publics et de l'évolution démographique. Le financement collectif de la protection sociale n'est donc une alternative suffisante pour aucune catégorie de jeunes.


Un réel potentiel de création d'entreprise, voire d'exil

Dans ce contexte de crise, les jeunes expriment des aspirations qui peuvent probablement être mises en relation avec leur recherche de solutions sur le plan individuel.

Ainsi, deux tiers (67%) des jeunes de 20 à 25 ans aimeraient créer leur entreprise s'ils en avaient la possibilité. Parmi ces jeunes souhaitant créer leur entreprise, 67% envisagent de le faire dont 28% de manière certaine. Malgré un tiers (32%) des jeunes qui n'envisagent pas de le faire, peut-être découragés par la complexité administrative ou les difficultés inhérentes à cette ambition, il existe un réel potentiel entrepreneurial chez les jeunes. Ce potentiel est encore très masculin puisque si 76% des hommes veulent créer leur entreprise, 58% des femmes expriment le même désir.

Par ailleurs, près de deux jeunes sur trois (64%) sont intéressés par la possibilité d'aller travailler sur une longue période dans un autre pays. Toutefois, cet intérêt est encore modéré, seuls 18% y " songeant très sérieusement ". Encore une fois, ce sont surtout les garçons qui se montrent tentés par l'exil - ou du moins le déclarent - 70% d'entre eux se disant intéressés contre 58% des filles. Ce sont également davantage les jeunes dont le chef de famille est cadre qui émettent ce souhait (70% dont 25% y songent très sérieusement) contre 52% des jeunes dont le chef de famille est ouvrier (dont 13% qui y songent sérieusement).

Christelle Craplet
Chargée d'études - Ipsos Public Affairs
christelle.craplet@ipsos.com



 


 


 
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