Malgré les appels à la modération de la communauté internationale, des soldats et des policiers birmans ont commencé, mercredi, à faire usage de la force pour mâter les opposants au régime.
Ainsi, les militaires déployés en grand nombre dans le centre de Rangoon et de Mandalay, les deux principaux foyers de l'insurrection, ont lancé des gaz lacrymogènes contre la
foule qui tentait de se former en cortège autour d'une grande pagode de Rangoon.
Plusieurs observateurs rapportent que des coups de feu ont été tirés en l'air et que des moines et des manifestants civils ont été battus à coups de matraque par les policiers. Des dizaines de
personnes dont des moines ont été arrêtés à Rangoon et transportés dans des camions militaires.
Ce premier usage concret de violence depuis le début des grandes manifestations, voilà maintenant neuf jours, n'a toutefois pas empêché la formation d'une autre manifestation,
regroupant quelques dizaines de milliers de personnes, dans le centre de la métropole du pays.
Au Myanmar, des soldats et des policiers encerclent depuis mercredi matin plusieurs monastères et temples bouddhistes à Rangoun. Ils tentent visiblement d'empêcher toute nouvelle
manifestation des bonzes qui tiennent tête à la junte militaire depuis plus d'une semaine.
Plusieurs centaines de membres des forces de l'ordre se trouvent notamment dans un stationnement du centre de la ville, près de la pagode Sule, qui a été au centre de plusieurs
manifestations.
Ce déploiement survient quelques heures après que la junte eut imposé un couvre-feu à Rangoun et dans la deuxième ville du pays, Mandalay, et interdit les rassemblements de plus de cinq personnes. Ces deux mesures sont en vigueur pour les 60 prochains jours.
La dictature militaire n'a pas précisé quelles sanctions elle infligerait aux contrevenants, mais la loi birmane prévoit déjà une peine d'emprisonnement de deux ans pour tout
rassemblement illégal.
Autre signe de durcissement des autorités birmanes, un acteur vedette, Za Ga Na, qui avait joint les rangs des moines lundi, a été arrêté à son domicile de Rangoun dans la nuit de mardi à mercredi, ont déclaré ses proches.
Par ailleurs, l'agence Reuters affirme que Aung San Suu Kyi, chef de file de l'opposition démocratique
qui est assignée à résidence depuis des années, a été conduite dimanche à la prison d'Insein.
Manifestation d'envergure à Rangoun
Malgré des mises en garde répétées du régime, quelque 100 000 personnes menées par des bonzes ont manifesté mardi à Rangoun. Portant des drapeaux religieux et des images de Bouddha, les moines, en robe couleur cannelle ou safran, ont ensuite invité la foule à se joindre à nouveau à eux mercredi et les jours suivants.
Les grandes manifestations de lundi et mardi sont les plus importantes depuis le début du mouvement de protestation contre l'explosion du coût de la vie, à cause de l'augmentation
massive des prix de l'essence et des transports en commun décrétée par la junte militaire. La semaine dernière, les moines bouddhistes se sont joints au mouvement général de protestations
déclenché par des opposants politiques, il y a cinq semaines.
Les manifestants jouent le tout pour le tout avec une dictature qui n'a pas hésité, par le passé, à réprimer dans le sang toutes manifestations d'envergure.
En 1988, lors des dernières grandes manifestations prodémocratiques, quelque 3000 personnes avaient été massacrées par les militaires au pouvoir dans ce pays depuis 1962.
Craintes de répression
Les récents agissements du régime alimentent les rumeurs de plus en plus fortes selon lesquelles les militaires pourraient très prochainement réprimer les manifestants.
L'enquêteur des Nations unies sur les droits de l'homme chargé du Myanmar, Paulo Sergio Pinheiro, a dit craindre une répression très sévère. « Il y a urgence », a-t-il dit,
estimant que la Chine était une puissance de la région à même de jouer un « rôle positif « pour désamorcer la tension au Myanmar.
Un chef d'une milice rebelle a pour sa part soutenu à Reuters que des militaires, membres d'une unité tristement célèbre pour ses massacres de civils en 1988, ont reçu l'ordre de se rendre à Rangoun.
Le premier ministre birman en exil, Sein Win, craint lui aussi que la junte militaire réagisse par la répression. Il estime que les pressions internationales sont la seule solution
pour éviter un bain de sang.
Mardi, le président américain George W. Bush a annoncé de nouvelles sanctions contre le Myanmar à l'ouverture de la 62e Assemblée générale de l'ONU, à New York.
Myanmar ou Birmanie?
Le Myanmar est le nom de l'ancienne Birmanie, qui fait référence à la période coloniale anglaise qui dura du début 19e siècle jusqu'à l'indépendance du pays, en 1948. Les Anglais avaient décidé de l'appeler ainsi en raison de la principale ethnie du pays, les Birmans.
|