Jean-Jacques Brot et Philippe de Villiers, des spécimens en voie de disparition et Arnaud Montebourg, une espèce en pleine expansion ?
Il existe donc, au service de l'État, des hommes qui, à la compromission, au reniement de soi, par respect pour leurs convictions, et à la trahison de leur engagement, préfèrent le sacrifice de la fonction.
Le fait est suffisamment rare pour être rapporté : Jean-Jacques Brot, haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en raison de son désaccord avec la stratégie de l’État concernant la décolonisation en cours de l’archipel, a envoyé sa lettre de démission à madame Pau Langevin, le ministre des Outres-mer. « Je ne veux pas cautionner le largage annoncé de la Nouvelle-Calédonie » aurait-il déclaré. Gaulliste assumé, Jean-Jacques Brot, jamais officiellement mais toujours devant témoins, parle même « d’acte républicain ».
Très peu usuelle dans les milieux politiques où les ambitions prennent si souvent le pas sur l’éthique et les convictions personnelles, une décision semblable sera prise en France métropolitaine, en 1981, par Philippe de Villiers, après l’élection de François Mitterrand. « Mû par la haine, ce régime s’écroulera tôt ou tard dans la haine. La France, disait Victor Hugo, n’est pas faite pour porter la haine mais pour porter l’amour. Je ne peux rester, une minute de plus, solidaire d’un pouvoir d’État qui finira dans la faillite, les scandales, et qui sait ? dans le sang… » En plus d’avoir commis, à l’instar du haut commissaire trente et quelques années plus tôt, un acte républicain, les scènes de guerre civile dans notre pays – entre autres – ce samedi 21 juillet, nous révèlent un sous- préfet visionnaire.
Il existe donc, au service de l’État, des hommes qui, à la compromission, au reniement de soi, par respect pour leurs convictions, et à la trahison de leur engagement, préfèrent le sacrifice de la fonction. Autrement dit, l’honneur au déshonneur. La mort politique à la mort psychique.
Mais il y a une autre catégorie d’hommes et de femmes politiques. Prenons, par exemple, Arnaud Montebourg. Il fallait l’entendre, en 2012, fustiger la mondialisation ! « Une escroquerie mondiale fabriquant des chômeurs au Nord et des quasi esclaves au Sud » s’indignait-il.
Le résultat, deux ans plus tard, d’une aussi flamboyante constatation ? Un poste de ministre du Redressement productif totalement impuissant, au sein d’un gouvernement mondialiste sur le point de conclure le marché transatlantique.
Mais s'il a bien déposé sa lettre de démission dès l'arrivée de la ministre, rien n'indique que la démission soit automatiquement acceptée par le gouvernement Valls, même si l'on imagine mal, si cela devait se confirmer, que l'Etat puisse conserver Jean-Jacques Brot à ses fonctions après un tel éclat. Depuis des mois , des rumeurs persistantes faisaient d'ailleurs état d'un possible remplacement que l'Etat avait de toutes façons décidé d'accélérer ce mois-ci . Jean-Jacques Brot, homme de caractère aux convictions bien trempées , a sans doute préféré prendre les devants.
Si l'information devait être officiellement confirmée, ce ne serait pas la première fois en Nouvelle-Calédonie: en 2007, le Haut-Commissaire Michel Mathieu, humilié en public par le ministre de l'outremer Christian Estrosi lors d'un discours au Haussariat, avait démissionné dans la foulée.
Le Haut-commissaire fait de sa démission un acte engagé, pour ne pas dire "politique " qui pourrait fragiliser le lien de confiance qu’était venu nouer George Pau-Langevin, en tout cas côté non-indépendantistes.
Sonia Backès, de l’UCF, par exemple a faire part publiquement sur son blog de son inquiétude: "comment comprendre qu’un haut fonctionnaire, gaulliste assumé, mette en danger 35 ans de carrière sans que le jeu en vaille la chandelle, sans que les choix de ses supérieurs dont il semble avoir connaissance ne mettent gravement en cause les valeurs républicaines qu’il défend ? On est en droit de s’en inquiéter sérieusement !"